III. Les premiers éléments constitutifs au dix-neuvième ... - Hal-SHS
Un tel examen sera propre à faire voir les mécanismes exacts de constitution de
..... Il écrit sur tels problème d'électrostatique, sur l'effet Zeeman, propose une ...
menées par un vif sens critique, exercices de réflexion plutôt que recherches ...
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in Petitjean, Patrick; Jami, Catherine and Moulin, Anne-Marie (eds.),
Science and Empire, historical studies about scientific development and
european expansion, Kluwer, Dordrecht, 1992, p. 173-191. Michel Paty
Les débuts de la physique mathématique et théorique au Brésil et
l'influence
de la tradition française I. Introduction.
La formation, tardive, d'une véritable communauté scientifique au
Brésil s'est effectuée selon des modalités très différentes d'une
discipline à une autre. Le développement de la physique théorique a été
plus long à se réaliser que celui d'autres secteurs de la connaissance
scientifique, et peut être daté pour l'essentiel des années trente de ce
siècle, bien que l'on compte quelques noms importants et des contributions
non négligeables dans les périodes antérieures. Il est intéressant de
s'interroger sur les divers facteurs qui ont influé sur cette discipline et
sur les circonstances qui ont précédé et préparé son émergence, aboutissant
à déterminer une voie propre et originale, une véritable 'tradition' (ou
école) nationale. Ces facteurs tiennent, considérant la spécificité de ce
champ scientifique, pour une part au contexte local, aux structures
mentales et institutionnelles, pour une autre aux influences culturelles et
intellectuelles. Si l'on peut caractériser de façon relativement aisée ces
deux groupes de facteurs conjoncturels, il est plus difficile d'évaluer
exactement la part de chacun d'eux et les effets de leurs inter-relations.
L'approche historique tend souvent, par la nature même de ses objets et de
ses méthodes, à dissocier le contexte, qu'il est difficile de ne pas
ramener à ses seuls aspects sociaux ou culturels au sens large, et le
contenu, considéré sous des formes 'standardisées', en raison de
l'objectivité de la science à laquelle on le rapporte. Le présent travail
voudrait contribuer, à partir d'un cas d'espèce et bien délimité, à
éclairer cette question délicate en essayant d'échapper à cette réduction.
Les circonstances de la formation d'une 'science brésilienne', tant
au niveau d'une organisation systématique de l'enseignement supérieur dans
toutes les disciplines qu'à celui d'une contribution significative à la
recherche, ont été étudiées par divers auteurs[1], qui ont insisté à juste
titre sur les aspects institutionnels, et montré comment c'est la
fondation, relativement récente, des Universités (et notamment celle de São
Paulo en 1934) qui a donné l'impulsion déterminante. Les structures de
formation et les quelques institutions de recherche qui existaient
auparavant avaient été conçues dans un but pragmatique. L'enseignement
supérieur se réduisait à des écoles techniques (Ecoles de Droit, de
Médecine, des Mines[2], d'ingénierie, ces dernières au début
militaires[3]), dont la création remonte pour l'essentiel à la fin du dix-
neuvième siècle, et qui visaient à former des spécialistes directement
utilisables pour répondre aux besoins de la société (ceux du Brésil lui-
même, et aussi sans doute ceux des Puissances intéressées à certaines
activités[4]). Quant à la recherche institutionalisée, elle visait
également l'utilité, et était cantonnée à certains domaines: les historiens
font généralement débuter l'institutionalisation de la science au Brésil
avec la fondation de l'Institut sérothérapique de Manguinhos, à Rio, en
1900, voué à la recherche microbiologique et parasitologique, parce que son
rôle et sa renommée furent considérables. Le retard au développement
scientifique peut se mesurer par la distance qui sépare les années 1880-
1890, où a lieu la création des premiers instituts techniques, et 1934[5],
date de la fondation de la première université moderne (l'USP, Université
de l'Etat de São Paulo, bientôt suivie d'autres Universités fédérales et
d'Etats).
C'est dans les années trente que se constitue, en même temps que
d'autres disciplines, et à la faveur de la création et du développement de
l'Université, la physique théorique brésilienne. Elle bénéficie, certes, de
l'appui indispensable de l'Institution ; et il n'est pas indifférent que ce
soit sous l'impulsion de Teodoro Ramos, mathématicien et physicien
théoricien qui occupe une position charnière, que la physique, théorique
aussi bien qu'expérimentale (et plus généralement les sciences exactes) aît
été développée à l'Université de São Paulo[6]. Dans cette réalisation, on
ne saurait surestimer le soutien et le rôle actif de savants étrangers de
grande envergure, fixés au Brésil pendant des années[7], tel Gleb Wataghin
(venu du laboratoire de Fermi en Italie) pour la physique. Mais si la
'greffe' a pris, de telle sorte que la physique (ainsi que d'autres
branches, comme les mathématiques, la chimie, la biologie, pour s'en tenir
aux sciences exactes ou naturelles), s'est développée d'une manière assez
remarquable, par l'apparition de scientifiques de premier plan et de
recherches originales du meilleur niveau, dès la fin des années trente et
jusqu'aujourd'hui, le 'terrain' n'est évidemment pas indifférent: certaines
conditions indispensables étaient présentes. C'est, précisément, sur ces
conditions locales, que nous pouvons dire 'de préparation' d'un terrain
favorable, mais peut-être en même temps porteuses de certaines limitations,
que nous voudrions porter notre attention dans ce qui suit. Nous
l'examinerons sous l'angle de l'interaction entre des éléments de
connaissance, empruntés pour une grande part à une tradition-mère, et des
facteurs contingents qui tiennent aux circonstances locales, donnant lieu à
une assimilation originale que nous essaierons de caractériser.
Nous insisterons, dans ce travail, sur la période préliminaire, avant
que ne commence de s'affirmer un courant à proprement parler de physique
mathématique et théorique: cette période comprend le dix-neuvième siècle et
les premières années du vingtième[8], se concluant, en un certain sens,
avec la création, à Rio de Janeiro en 1916, de la Société Brésilienne des
Sciences, qui devint plus tard l'Académie. L'exhaustivité est ici bien
entendu impossible, et nous nous en tiendrons à l'examen de quelques uns
des traits les plus significatifs pour notre propos.
II. Constitution d'une tradition scientifique et influences. 1. Facteurs institutionnels et idéologiques. La constitution progressive d'une science brésilienne fait partie
d'un ensemble de modifications survenues dans le pays depuis la moitié du
dix-neuvième siècle. Le Brésil colonial se transforme peu à peu,
socialement et culturellement, et cette période est celle d'un essai
d'adaptation progressive des structures de la société brésilienne aux
exigences d'une nation moderne, promise à l'autonomie depuis l'Indépendance
(1822), préoccupée de définir et d'affirmer son identité, ouverte au
développement agricole, industriel et urbain et au peuplement de son espace
(d'ailleurs sur l'arrière-fond d'une immigration massive). Des institutions
se créent et une idéologie se forme, qui mènera à celle affirmée par la
République, en 1889. Mais cette société est marquée en même temps par la
persistance de structures archaïques, et même féodales, et l'avènement de
sa République sera en vérité surtout une victoire de l'oligarchie. Son
passé de colonie vouée à l'enrichissement de la Métropole la marquera
longtemps (l'absence d'Université en est un exemple, lié d'ailleurs à la
spécificité de la colonisation par le Portugal). D'autre part, s'il s'est
détaché économiquement et politiquement du Portugal, le Brésil dépend
depuis lors - et pratiquement jusqu'à la seconde guerre mondiale -, de
l'Angleterre du point de vue économique. Quand à la 'dépendance
culturelle', elle est plus complexe, autant et peut-être davantage choisie
qu'imposée, mais elle n'en est pas moins présente, car les élites sociales
brésiliennes garderont longtemps les yeux tournés vers l'Europe. Parmi les
pays européens, c'est à la France que va très largement la préférence, pour
des raisons qui ne sont pas propres au Brésil seul, puisque c'est le cas de
la plupart des autres pays d'Amérique latine, voire d'autres pays dans le
monde qui s'ouvrent à la modernité, et ces raisons tiennent à l'histoire
autant qu'à la culture[9].
Dans ce contexte se situe l'influence du positivisme de Comte. Cette
philosophie correspondait à des conceptions et à une attitude qui
présentaient cet intérêt, pour les élites sociales brésiliennes, d'être
attentives aux idées de progrès et, en même temps, fondamentalement
conservatrices[10]. Ce n'est pas notre propos ici d'analyser les
modifications subies par la doctrine de Comte dans son adaptation au
contexte intellectuel et social brésilien[11] : nous nous contenterons
d'indiquer que la philosophie positiviste a pu stimuler, pour ce qui
concerne notre sujet, la création d'Ecoles supérieures et d'Instituts de
recherche appliquée, voire susciter un intérêt pour les sciences physiques
et naturelles. Mais la "synthèse subjective" du Maître, reprise par ses
disciples en France et au Brésil[12], en proclamant que la connaissance est
unilatéralement ordonnée à l'homme, dépréciait en même temps son aspect
objectif. Elle constituait un handicap face au caractère fondamental de la
connaissance scientifique et de la recherche, et même un blocage à l'égard
de bien des conceptions modernes. Cependant, cet aspect d'une influence
culturelle d'ordre général, dont il faut voir à quel niveau exactement elle
s'exerce, ne doit pas masquer d'autres facteurs, qui pourront être
éventuellement plus importants. Nous y reviendrons.
2. Influences culturelles et scientifiques. La question des influences scientifiques soulève le problème de
l'évaluation de l'état de développement de la science dans les centres ou
métropoles, notamment dans le cas de la France, qui fut la source étrangère
principale d'influence culturelle et scientifique au Brésil dans la période
considérée. Les historien