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Ici se joue la définition même du processus à mettre sous examen, l'identification
..... Formuler des pistes d'action constitue pour tout acteur une prise de risque.

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Le reengineering face à ses contradictions. Intégrer l'humain au centre
du processus, Thèse de doctorat en sciences de gestion, Département de
Gestion, Université de Liège, Faculté d'Economie de Gestion et de Sciences
Sociales, mai 1998, 313 p., 2 volumes.
Résumé
Cette thèse avait pour objectif de réaliser une analyse et une critique
d'un des modèles managériaux qui fut très populaire dans les entreprises à
la fin des années 90 : le reengineering (BPR) ou la réingénierie des
processus. Derrière ces termes se cache une vague de restructuration et de
réorganisation des entreprises basée sur l'optimisation des processus. Ce
modèle managérial a été diffusé au travers de best-sellers comme les
ouvrages d'Hammer et Champy (1993, 1995, 1996)[1] et fortement relayé par
les grands bureaux de consultance et les constructeurs de logiciels
intégrés (type ERP).
Le reengineering s'attaque à l'organisation fonctionnelle, qualifiée par
Hammer et Champy (1993) d'entreprise « taylorienne » ou de bureaucratie.
Pour ces auteurs, cette forme structurelle est totalement inadaptée aux
évolutions de l'environnement économique et technologique. Il faut donc
revoir complètement la manière de penser et d'organiser l'entreprise
(organisation verticale) en regroupant les activités autour des processus
transversaux centrés sur les clients (organisation horizontale). Ces
processus devront au préalable être optimisés : suppression de toutes les
activités considérées comme sans valeur ajoutée, standardisation et
utilisation maximale des potentialités des technologies de l'information
par la mise en réseau des informations et la constitution de bases de
données centrales. Les promoteurs du reengineering promettent, grâce à ces
changements structurels, des gains spectaculaires dans les coûts, la
qualité, le service à la clientèle et la rapidité de traitement des
informations et des marchandises.
Notre intérêt pour ce thème est né d'une curiosité et d'un étonnement
face à un succès commercial sans précédent. Dans les années 90, le
reengineering fascinait, attirait les gestionnaires qui semblaient y voir
un outil capable de sortir leur organisation de la crise ou, mieux encore,
de renforcer leur avantage stratégique et d'améliorer leur compétitivité.
Cette fascination était d'autant plus surprenante que ce processus de
changement nous semblait spécialement risqué de par son ampleur et ses
implications.
Que se passe-t-il pour une organisation qui se lance dans un projet de
reengineering ? Quel est le constat de départ qui motive le changement?
Quels sont les objectifs recherchés? Comment le changement va-t-il être
mené et piloté? Quel sera son contenu et le point d'arrivée? Comment les
organisations ont-elles investi ce modèle? Quels ajustements ont eu lieu?
Quelles difficultés ont été rencontrées? Comment la dimension humaine de ce
processus de changement a-t-elle été prise en compte? Quels rôles ont (ou
n'ont pas) joués les services des ressources humaines? Quelle est la
cohérence et l'utilité du modèle? Telles étaient les questions de départ.
Au fil des recherches, il est devenu évident qu'on ne pouvait se limiter
à l'étude des modalités d'application du modèle, à une étude des facteurs
de succès et d'échecs. En effet, bon nombre de problèmes rencontrés dans
les organisations qui entamaient un tel projet de changement sont
progressivement apparues comme moins liés à des défauts dans l'application
du modèle qu'au modèle lui-même. Ceci a débouché sur un questionnement des
postulats sous-jacents du reengineering et sur une analyse plus fine des
valeurs, des visions du monde, des valeurs et des paradigmes sous-jacents à
ce projet de restructuration. En procédant ainsi, nous nous situons dans
le suivi des travaux menés par Brabet et alii (1993), Moisdon et alii
(1997) ou encore Martinet (1993, p. 70)[2] qui mettent en évidence qu'un
modèle de gestion n'est jamais neutre mais a une composante normative,
qu'il charrie des visions du monde, des cadres mentaux qui sont mobilisés
pour guider et justifier les pistes d'actions préconisées. Ce sont ces
postulats que nous avons fini par mettre en évidence en ce qui concerne le
reengineering : postulat de rationalité des acteurs et du processus de
changement, mythe de la planification stratégique, déterminisme
technologique et approche behavioriste et réductrice de l'humain dans
l'organisation. Notre analyse du reengineering est composée de trois parties. Dans la
première partie, nous réalisons une analyse du contenu des écrits
managériaux sur le reengineering. Cette analyse de contenu nous permet de
montrer qu'il n'y a pas la rupture de paradigme annoncée et que le
reengineering reste profondément ancré dans un mode de pensée rationaliste
et moderniste. La seconde partie s'intéresse aux études empiriques qui ont
été réalisées pour évaluer l'impact et l'intérêt du reengineering, en
identifier les facteurs de succès et d'échecs. Les éléments clés de ces
deux parties se trouvent dans l'article de la revue Gestion[3] qui est
joint à ce dossier. Dans la troisième partie, le modèle managérial et ses
composantes sont questionnés à partir de deux études de cas longitudinales.
Ces études de cas mettent en évidence l'importance d'une lecture politique
de ces processus de changement, lecture qui s'appuie fortement sur le
modèle d'analyse contextualiste développé par Pettigrew. Elles permettent
également de pointer les multiples contradictions et paradoxes qui
traversent le modèle et ses principes d'action, ce qui permet de donner un
éclairage nouveau sur les difficultés et les échecs de pas mal de projets
de réingénierie.
Dans ce résumé, nous reprenons les principaux enseignements qui
ressortent de l'analyse transversale des deux études de cas : une
entreprise du secteur informatique dans laquelle est réalisée une opération
de reengineering du process commande-livraison et une société qui produit
des annuaires commerciaux et qui décide de réorganiser toute la chaîne qui
va de l'encodage des données à la mise en page des annuaires.
L'analyse des études des cas est une analyse processuelle qui vise à
comprendre ce qui se passe pendant le processus de changement. Ce travail
d'analyse s'appuie sur un découpage séquentiel du processus de changement à
savoir :
. la définition du problème;
. le diagnostic ou analyse des causes;
. l'identification des solutions;
. l'implantation.
Phase de définition du problème La définition du problème c'est-à-dire l'identification des raisons qui
poussent à entamer un processus de changement n'est pas, dans nos études de
cas, une source de tension majeure. Globalement, le personnel perçoit
l'environnement comme hostile et menaçant, le fait d'entamer des actions
pour être plus fort face à la concurrence n'est pas remis en question, les
problèmes identifiés sont connus de tous: retards dans les délais de
livraison (société A) et de production (société B) ou problèmes de qualité
(de la livraison, société A; du produit, société B). S'y attaquer est perçu
comme un soulagement de part et d'autre; plusieurs pensent, d'ailleurs, que
le projet ne va pas assez loin. Ce constat constitue une remise en cause
d'un processus d'accompagnement qui vise avant tout à convaincre le
personnel que le changement est nécessaire alors que l'inquiétude du
personnel porte sur son devenir dans ce changement.
Ce qui est intéressant aussi dans cette phase c'est de voir tout le jeu
des acteurs autour de la définition (" labellisation " ) du projet de
changement. Derrière le terme " reengineering " se cache une construction
du projet de changement et de ses objectifs: l'utiliser ou l'éviter est
loin d'être neutre. Le terme est utilisé dans certains contextes (vis-à-vis
de la maison-mère dans la société A, par le bureau de consultance de la
société B) et évité dans d'autres (dans les consultations avec les
syndicats ou dans les réunions avec le personnel); cette appellation est
soutenue par certains acteurs (ceux qui veulent marquer une rupture) et
niée par d'autres (ceux qui plaident pour un changement plus incrémental et
potentiellement moins conflictuel).
Clarifier les attentes du personnel par rapport au projet de
changement, ses insatisfactions et ses frustrations par rapport à la
situation actuelle s'avère important car ceci constitue des points
d'appui potentiels pour le projet de changement. Il s'agit aussi de
préciser qui a peur du changement et pourquoi.
Il devient pertinent d'identifier qui nomme le projet
" reengineering ", le sens qui lui est donné et les contextes dans
lesquels ce terme est mobilisé et à l'inverse, de regarder qui veut
éviter cette appellation, qui s'y oppose et pourquoi. Phase de diagnostic La phase de diagnostic est une phase avec des enjeux bien spécifiques.
Ici se joue la définition même du processus à mettre sous examen,
l'identification des activités avec ou sans valeur ajoutée et l'attribution
des responsabilités. Cette phase est un moment important dans l'adhésion
(ou le rejet) des acteurs au projet de changement. Nous aborderons aussi la
complexité du mode de pensée " processuel ". La définition du processus à mettre sous examen Dans les écrits sur le reengineering, la définition de l'enveloppe à
mettre sous examen est souvent présentée comme évidente et non-ambiguë, il
s'agi