asthme aux isocyanates - Formation Médecine du Travail

... l'absence d'examens complémentaires pouvant étayer le diagnostic comme un
.... L'asthme induit par les isocyanates (TDI en particulier) est caractérisé par ...

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ASTHME AUX ISOCYANATES Dr Vives Catherine (Strasbourg) CAS CLINIQUE Il s'agit d'une femme de 32 ans, Mme F, adressée par le pneumologue pour
avis d'aptitude à son poste de travail.
Elle est en congé de maladie depuis trois mois pour un problème d'asthme et
est au quatrième mois de sa première grossesse.
Cursus professionnel :
- Scolarisée jusqu'à l'âge de 17 ans : apprentissage de vendeuse et
échec au CAP.
- Emploi dans un centre socio-culturel comme animatrice en 1991.
- Divers emplois en intérim de 1991 à 1997 : repassage, ménage,
opératrice de production dans une usine d'encoquillage.
- Emploi en Intérim pendant 1 an en 1997 dans les établissemnts Johnson
Control : fabrication de sièges et pièces en matières plastiques pour
l'industrie automobile.
- Embauche en CDI chez Johnson Control depuis 1998.
Poste de travail :
Depuis 1997 Mme F a occupé 2 postes de travail au sein de l'entreprise :
- le premier poste « finition au four 13 » consistait à effectuer le
meulage et la finition de pièces en mousse rigide de poyuréthane
destinées à l'industrie automobile comme des sièges notamment. Ce
poste a été occupé pendant 2 ans, Mme F a ensuite été déplacée de ce
poste pour des raisons de santé : troubles musculo-squelettiques à
type de tendinite du poignet et du pouce.
- le deuxième poste occupé depuis 1999 « post composant » consiste en la
mise en place dans des moules vides en aluminium de pièces métalliques
et de toile de nylon et autres petites pièces. Ces moules sont ensuite
remplis avec la mousse poyuréthane dans le même atelier. Sur la chaîne
de montage Mme F se trouve à proximité immédiate ( 2 à 3m) de deux
opérations robotisées : la première en amont consiste à la
pulvérisation d'agents démoulants sur les moules en aluminium, la
deuxième à l'injection de mousse polyuréthane. Ces deux opérations se
font en cabine qui sont ouvertes de part et d'autre pour laisser
défiler les moules et permettre à l'opératrice qui se trouve au milieu
d'effectuer la mise en place des inserts dans les moules. A noter que
dans cette atelier au niveau de l'injection de la mousse il y a un
certain nombre de pannes dans l'année pendant lesquelles le mélange ne
se fait plus correctement et qui entraîne des émanations d'isocyanates
nécessitant l'évacuation des locaux 2 à 3 fois par an en moyenne. Le
dernier épisode date de 11/04.
Histoire de la maladie En février 2005 Mme F a noté l'apparition d'une toux spasmodique,
irritative qui a duré plusieurs mois et qui ne cédait pas aux antitussifs.
Au début de l'été elle a présenté un épisode de dyspnée brutale sur son
lieu de travail avec sensation de manque d'air, spontanément résolutif au
bout d'une heure de repos à l'extérieur de l'atelier. Elle a présenté 4
épisodes du même type sur son lieu de travail au courant de l'été et, lors
d'un de ces épisodes, le médecin du travail a pu effectuer un débit de
pointe montrant une réduction du VEMS à 50% de la théorique permettant de
conclure à une crise d'asthme. Mme F est ensuite partie en vacances pendant
4 semaines, période pendant laquelle elle a noté une amélioration avec
l'absence de toux et d'épisode dyspnéique.
Au retour des vacances la symptomatologie a repris avec réapparition de la
toux et de 2 crises dyspnéiques sur son lieu de travail. Depuis le 21/09/05
Mme F est en arrêt de travail.
Dès la première consultation fin septembre 2005 le pneumologue conclue à un
asthme avec suspicion d'asthme professionnel aux isocyanates. Un traitement
par Bricanyl et Pulmicort est prescrit puis progressivement arrêté devant
l'amélioration de la symptomatologie après 3 semaines. Le 17/10/05 on
constate une mesure fonctionnelle respiratoire normale après arrêt de tout
traitement.
Lorsqu'elle est vue à la consultation de pathologie professionnelle le
22/12/05 Mme F n'a pas repris son travail et n'a présenté aucune
symptomatologie respiratoire, elle ne prend aucun traitement. Le
pneumologue nous demande notre avis sur l'évolution professionnelle de
cette patiente et sur les possibilités de maintien en arrêt de travail
pendant sa grossesse. Discussion et conclusions Devant l'histoire clinique très évocatrice d'un asthme aux isocyanates et
malgré l'absence d'examens complémentaires pouvant étayer le diagnostic
comme un test à la métacholine en période d'éviction et de travail (non
réalisable en raison de l'état de grossesse) ou une étude de la variation
des débits de pointe, la reprise au poste de travail ne nous paraît pas
possible. Le reclassement pendant la période de grossesse, avec éviction de
tout poste exposant aux isocyanates nous semble difficile étant donné la
présence de ceux-ci dans tous les ateliers de l'établissement.
La reprise du travail pendant la grossesse ne nous paraît donc pas
envisageable.
En ce qui concerne l'avenir professionnel de cette patiente, avant de
conclure à une inaptitude totale pour asthme aux isocyanates, il nous
semble nécessaire d'approfondir le bilan après la grossesse avec test à la
métacholine, RAST et recherche d'autres étiologies éventuelles comme une
sensibilisation aux agents démoulants auxquels la salariée est également
exposée. Même si un déclaration en maladie professionnelle au tableau 62
peut d'ores et déjà être réalisée devant l'histoire clinique très
évocatrice, les éléments du bilan complémentaire nous semble nécessaire
pour écarter une autre étiologie professionnelle.
RAPPEL SUR L'ASTHME AUX ISOCYANATES
Incidence Les premiers cas d'asthme aux isocyanates ont été décrits en 1951 chez 9
ouvriers d'une entreprise de fabrication des plastiques : un nouveau
procédé technologique utilisant du TDI était à l'origine de l'affection.
De très nombreux cas ont été rapportés depuis et l'asthme aux isocyanates
est devenu la première cause d'asthme professionnel dû à un agent chimique
et la deuxième cause d'asthme professionnel après l'asthme à la farine. L'asthme professionnel est la plus fréquente des maladies respiratoires
professionnelles dans les pays industrialisés. En France l'asthme atteint 5
à 10% de la population et le risque attribuable à l'exposition
professionnelle est au minimum de 6% selon les études et de 10% dans
l'expérience Strasbourgeoise (service du professeur Pauli).
Selon les chiffres de l'ONAP (Observatoire national des asthmes
professionnels) de 2000 sur 673 cas, 6 étiologies rendent compte de plus de
la moitié des cas incidents : -farine (18,9%)
-isocyanates (11.1%)
-persulfates alcalins (8.6%)
-latex (5.9%)
-acariens (4.8%)
-aldéhydes-formaldéhyde et glutaraldéhyde (4.4%) Chez les hommes la fréquence d'asthme aux isocyanates est de 15.7% dans
cette étude.
Utilisation des isocyanates Les isocyanates, composés chimiques définis par la présence d'un ou
plusieurs groupements NCO, servent essentiellement à la fabrication de
polyuréthane. Les plus connus sont le TDI (diisocyanate de toluylène), le
MDI (diisocyanate de diphénylméthane) et le HDI (diisocyanate
d'hexaméthylène) mais il en existe bien d'autres responsables d'asthme
professionnel : NDI (diisocyanate de naphtylène), l'IPDI (diisocyanate
d'isophorone)...
Les deux isomères du TDI sont très volatils à T° ambiante et sont souvent
remplacés pour la fabrication des mousses polyuréthane par le MDI moins
volatil mais qui le devient après chauffage au-delà de 60°. Le HDI est
presqu'aussi volatil que le TDI et est très utilisé dans les peintures :
les isocyanates entrant dans la composition des peintures polyuréthanes
pulvérisées sur les carrosseries sont la cause essentielle des asrhmes aux
isocyanates.
Ces caractéristiques de volatilité ont conduit au développement par les
industriels d'oligomères de haut poids moléculaire (BIC) mais qui n'ont pas
fait disparaître le risque d'asthme professionnel. En pratique les notations disisocyantes, polyuréthanes, polyisocyanates,
adducts, prépolymères correspondent à des isocyanates.
Les travaux concernés sont ceux exposant à l'inhalation ou à la
manipulation d'isocyanates organiques, notamment :
-fabrication et application de vernis et laques de polyuréthanes,
fabrication de fibres synthétiques ;
-préparation des mousses polyuréthanes et application de ces mousses à
l'état liquide ;
-fabrication et utilisation des colles à base de polyuréthanes ;
-fabrication et manipulation de peintures contenant des isocyanates
organiques.
(liste des travaux du tableau MP n°62 RG) Les professions exposées sont nombreuses :
Peintre, carrossier, charpentier, étameur, fondeur, garagiste, industrie
automobile, industrie chimique, industrie des matières plastiques,
menuisier, métallurgiste.
Physiopathologie La sensibilisation se fait par les matières plastiques (TDI et MDI), les
peintures automobiles (HDI et IPDI), les polyuréthanes (TDI), les colles
(MDI).
L'asthme induit par les isocyanates (TDI en particulier) est caractérisé
par une activation lymphocytaire et une expression chronique des médiateurs
de l'inflammation par les cytokines proinflammatoires. Comme pour beaucoup
d'agents de bas poids moléculaires, les Ig E ne semblent pas être impliqués
dans tout les cas et l'asthme dû aux isocyanates semble bien être
multifactoriel, avec la participation du système immunitaire, de réaction
isolée au niveau de l'épithélium bronchique et de facteurs génétiques.
Plus les concentrations environnementales sont élevées, plus le risque de
sensibilisation