Zatopek N°17 Attention, podologue dangereux! Par Gilles ...

L'examen clinique en podologie du sport se distingue par la nécessaire prise en
...... L'examen en statique en charge va nous permettre d'appréhender le sportif ...

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Zatopek N°17 Attention, podologue dangereux!
Par Gilles Goetghebuer
"La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires",
déclarait l'homme politique français Georges Clemenceau (1841-1929). Ne
pourrait-on dire la même chose à propos des pieds et des podologues? Lorsqu'on part pour une petite séance de course à pied dans la campagne ou
en forêt, il est assez rare de croiser un ours. Bon d'accord, c'est arrivé
à deux de nos lecteurs (lire Zatopek n°10). Mais, en règle générale, on
rencontre plus souvent des écureuils ou des lapins. Tant mieux. Tous les
représentants de l'espèce n'ont pas le caractère placide de Colargol des
disques de notre enfance. (Vous vous souvenez?) Tant pis aussi! Car
l'expérience nous aurait donné l'occasion d'observer l'animal et sa façon
de marcher très différente de la nôtre. Quand il se déplace, l'ours pose
ses pieds à plat -splash, splash!- alors que nous prenons généralement le
soin de les dérouler plus harmonieusement sur le sol. Le talon prend appui
en premier puis le pied subit une double rotation longitudinale, passant
sur sa face externe pour le transfert des charges vers l'avant et un retour
en phase interne au moment de l'impulsion avec, pour terminer, une poussée
successive de chaque orteil, du petit doigt vers le pouce, comme lorsqu'on
fait des gammes au piano. Les ours et les hommes sont deux espèces
plantigrades (on dépose la plante du pied sur le sol) contrairement aux
ongulés comme les chevaux ou les vaches (qui marchent sur leurs ongles) ou
les digitigrades comme les chiens et les chats (qui marchent sur leurs
doigts). Il n'empêche qu'on ne s'y prend pas du tout de la même manière.
Sans forfanterie, on peut même dire que notre technique est plus
performante, du moins lorsqu'il s'agit de parcourir de très longues
distances en dépensant un minimum d'énergie. Cambre-toi, beau gosse (Intertitre) A défaut d'ours, on peut aussi observer des bébés. La ressemblance est
frappante. Du moins dans leur façon de marcher... (NB: il ne faudrait tout
de même pas nous fâcher avec les mamans). Là encore, le contact avec le sol
s'effectue pied à plat et laisse de curieuses empreintes de pieds mouillés
sur le carrelage de la salle de bains. De forme plutôt ovale, ces traces
inquiètent les parents qui imaginent leur progéniture atteinte d'une
anomalie orthopédique. Les plus flippés d'entre eux poseront sans doute la
question au médecin: "Docteur, mon fils (ma fille) n'aurait-il (elle) pas
les pieds plats?" L'homme de science leur répondra que les petits petons du
chérubin se creuseront naturellement dès lors qu'il se mettra à marcher
davantage et, pour peu qu'il soit d'un naturel bavard, il ajoutera même que
le pied est une pièce anatomique curieuse; que sa croissance n'est pas
constante au cours de l'enfance; et que sa taille adulte n'est pas, comme
celle du nez ou des oreilles, entièrement déterminée par la génétique mais
qu'il possède cette faculté étonnante de s'adapter aux contraintes qui lui
sont imposées. Ainsi le pied rond et dodu du nouveau-né reste désespérément
plat jusqu'à l'âge d'environ quatre ans. Puis l'arcade plantaire se forme
grâce au travail d'une multitude de petits muscles qui tirent sur les
pièces osseuses comme sur la corde d'un arc. Pour cela, il faut bouger!
Chez une personne immobile, le pied ne se creuse pas. C'est malheureusement
le lot de beaucoup de gens dans nos sociétés exagérément sédentaires. A
l'inverse, la cambrure pédieuse prend parfois des allures spectaculaires
chez les facteurs, les tireurs de pousse-pousse en Asie, les danseurs de
ballet et bien sûr les coureurs à pied. Normal! Cette forme en ogive permet
de mieux supporter les pressions et de transmettre les poussées en
préservant les articulations hautes de la hanche et des genoux. Pour une
perception parfaitement claire de cette adaptation, il suffit de faire
monter différentes catégories de personnes plus ou moins sportives ainsi
que des enfants de tous les âges sur un podoscope. Par un jeu sophistiqué
de miroirs, cet appareil reflète la face cachée des pieds et la largeur des
appuis sur le sol. Une empreinte normale laisse apparaître deux masses:
l'une talonnière, l'autre constituée par l'avant-pied et les orteils. Les
bords externes de chacune de ces deux masses sont alors reliés par un
isthme. Si le pied est creux, les surfaces diminuent et on ne distingue
plus la base des orteils rétractés comme des griffes. L'isthme lui-même
peut être interrompu. A l'inverse, un pied plat donne l'impression de se
vautrer sur le sol. La surface d'appui est beaucoup plus large, même dans
sa partie centrale normalement rétrécie. Si cela marche, ne le répare pas (Intertitre) Les pieds plats sont bien connus du grand public. Leur notoriété doit
beaucoup à l'ancienne perspective pour celui qui en était affecté d'être
réformé au service militaire. L'armée ne voulait pas de pieds plats dans
ses rangs. Selon les historiens, cette volonté aurait des relents de
médecine coloniale. En Afrique, on avait découvert que les ressortissants
des populations noires se caractérisaient par des pieds d'apparence plus
plats que les nôtres. On s'était empressé de considérer cela comme une
"néoténie", un terme utilisé en zoologie qui désigne la persistance d'une
caractéristique juvénile chez l'adulte. Dans l'esprit de l'époque, il ne
fallait pas pousser beaucoup les scientifiques pour qu'ils interprètent
cette affection comme une forme plus primitive de l'organe dans son
évolution qui menait du singe vers l'homme Blanc, ce dernier étant
considéré évidemment comme l'aboutissement de la création! Ce faisant, on
commettait l'énorme erreur de ne tenir compte que de l'analyse statique.
Car si tous les pieds plats se ressemblent plus ou moins lorsqu'on grimpe
sur un podoscope, des différences énormes apparaissent dès que l'on
commence à marcher et a fortiori à courir. D'où l'importance de procéder à
une étude dynamique! Seule l'analyse du pied en mouvement permet de
distinguer clairement le pied plat hypotonique des personnes inactives (et
souvent en surpoids), du pied plat hypertonique qui équipe un grand nombre
d'athlètes africains. A l'effort, les pieds de ces coureurs donnent
l'impression de se redresser naturellement et font même la démonstration de
qualités propulsives hors du commun. En clair, ces médecins militaires
avaient confondu l'effondrement de l'arche plantaire qui marque l'absence
de contraintes dans le cours de vie trop douillette avec le renforcement
musculaire du pied à l'origine de l'empreinte élargie des indigènes. Ils
avaient aussi sous-estimé les influences de type génétique en relation avec
la nature des sols sur lesquels on se déplace. Lorsqu'on habite le désert,
par exemple, un pied d'apparence plus plat présente d'indéniables avantages
par rapport au pied creux qui s'enfonce dans le sable à chaque pas. Bref
tout cela n'a pas grand-chose à voir avec les explications racistes données
à l'époque. Faut-il redresser les pieds plats? (Intertitre) A chaque fois qu'on pose le diagnostic de pied plat, on doit faire l'effort
d'en déterminer la cause. L'aplatissement résulte-t-il d'une involution ou
une adaptation? A moins qu'il ne soit le résultat d'une rétraction anormale
du tendon d'Achille. Il existe un tas d'explications aux pieds plats et,
selon la gravité de la situation, on sera tenté (ou non) de les corriger
médicalement par crainte qu'ils n'induisent plus tard une usure anormale
des articulations. Dans des cas très rares, il arrive que l'on doive
recourir à la chirurgie. Plus souvent, on procède par le biais d'une
rééducation. On encourage alors la personne à marcher sur des sols meubles
(gazon ou sable) pour muscler le pied. On lui prescrit aussi des exercices
comme alterner la marche sur la pointe et sur le bord externe du pied. On
lui conseille également de faire du vélo. Tout cela afin de retrouver un
peu plus de tonicité. Parallèlement à ces soins, on met parfois en place
des programmes pour perdre du poids ou enrichir sa ration en vitamine D.
Enfin, il arrive qu'on ne fasse rien du tout, selon le bon vieux principe
d'une expression anglaise qui dit: "If it works, don't fix it' ce qui
signifie "si quelque chose marche, ne le répare pas". De fait, beaucoup de
gens ne souffrent pas d'avoir des pieds légèrement plus aplatis que la
moyenne et n'ont donc aucun intérêt à entreprendre un traitement correctif
qui risquerait d'empirer la situation. Pendant des années, c'était le cas
avec l'école thérapeutique qui préconisait de "relever" le pied par le
biais d'un renfort plantaire dans la chaussure. A grands frais, on faisait
fabriquer des semelles orthopédiques qui plaçaient d'autorité le pied dans
une position anatomique jugée idéale. Et tout rentrait dans l'ordre. Du
moins, le croyait-on. Or la réalité articulaire est bien différente. Très
vite, le pied fainéant prend l'habitude de s'appuyer sur ce providentiel
support de voûte, ce qui entraîne la fonte rapide des muscles chargés du
soutien. Résultat? Le pied corrigé avec les meilleures intentions du monde
s'avachit complètement et après quelques années, on se retrouvait dans la
situation (toujours gênante pour un spécialiste) d'avoir méchamment aggravé
le problème qu'il était censé résoudre. Quand nos pieds ont un petit creux (Intertitre) Dans l'introduction, nous disions que le pied se creusait naturellement
avec la répétition des efforts. Mais ce n'est pas toujours le cas. Parfois
il se creuse aussi chez les personnes hypotoniques comme pour les patients
atteints de polio ou victime d'une fonte musculaire massive. C'est un
phénomène assez curieux. Il semble que cette réorganisation du système
locomoteur réponde au manque de force. En se portant sur les bords externes
des pieds et en écartant les genoux, ces personnes visent inconsciemment à
allonger les bras de levier pour se mouvoir plus facilement. Leur attitude
vient contrarier pas mal d'idées reçues puisqu'en général, on parle de pied
plat hypotonique et