La Fantasmagorie Sensorielle. - Arts et Sciences, Hommes et Dieux

Nous voyons bien ici, dés le début de l'examen, que ces outils ne sont pas ......
analogue aux yeux classiques et fonctionnant avec des photo détecteurs cachés
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Jacques Henri PREVOST
Petit Manuel d'Humanité
[pic] CAHIER 1 - La Fantasmagorie Sensorielle.
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N° 00035434 L
a Fantasmagorie sensorielle. Je me crois Dieu, je ne suis qu'homme,
et je cultive la raison.
Mais puis-je ignorer ces fantômes,
qui rebâtissent ma maison.
On n'a le droit d'avoir raison qu'avec les faits dont on dispose.
(Jean ROSTAND) Lorsque que nous engageons la réflexion sur la nature du monde, nous le
faisons d'abord à partir des perceptions et du témoignage de nos sens.
Cette mise en ?uvre des instruments sensoriels n'est pas une démarche
originale, particulière aux êtres doués de raison. C'est une démarche
universelle qu'effectue chaque être vivant, parce qu'elle est essentielle à
sa survie. Nous voyons bien ici, dés le début de l'examen, que ces outils ne sont pas
fondamentalement des instruments de connaissance, mais des équipements de
survie. Ils ne sont donc pas braqués vers des objets à connaître, ni
adaptés à leur découverte ou à la détermination de leurs caractéristiques
mais, tout au contraire, ils sont conformés par les particularités des
sujets à protéger, édifiés à partir de leurs modes de vie ou de leurs
besoins, et adaptés à leurs facultés. Ce propos surprendra peut-être. Je vais essayer d'établir sa véracité en
prenant quelques exemples construits à partir du fonctionnement des organes
les plus sollicités. Les sens fonctionnent généralement en coopération et
non pas isolément. Ils présentent au cerveau des synthèses bien élaborées
en termes d'utilité vitale, et non pas une abondance chaotique
d'informations brutes, riche mais difficilement exploitable dans l'instant. Le premier sens dont le vivant s'est doté est probablement le goût, car la
reconnaissance de l'élément extérieur favorable et consommable et sa
différenciation par rapport à l'élément toxique ou inerte, étaient
indispensables. On voit tout de suite que cette nécessité implique
l'apparition simultanée d'une faculté de mémorisation sans laquelle
l'expérience n'est d'aucune utilité. Le premier sens fut le goût, le toucher a suivi. Sans lui, l'exploration du milieu de vie eut été impossible. Ensuite les
autres sens ont pu apparaître, afin de construire une représentation plus
complète du réel extérieur. Rappelons que d'autres êtres vivant utilisent
des sens différents, avec des organes parfois très éloignés des nôtres, qui
répondent pourtant tout aussi bien à leur objectif essentiel, à savoir la
survie des individus et des espèces, auxquels qui ils transmettent une
image de la réalité bien différente de la perception humaine. Si vous le voulez bien, nous allons commencer avec le sens qui apparaît
comme le plus ouvert vers l'extérieur, et donc le plus utile à
l'exploration du réel. C'est évidemment l'outil de la vision, c'est-à-dire
l'?il, qui est chez nous un organe très complexe. Cette grande complexité
pose d'ailleurs bien des problèmes lorsqu'on veut déterminer le processus
de sa formation. Il faut bien admettre qu'un ?il n'est utile que s'il est
efficace, et qu'il n'est efficace que s'il est achevé. Je ne désire pas entrer dans une discussion vous invitant à choisir entre
les deux théories en compétition. 1. Le Darwinisme qui considère l'évolution comme la cause hasardeuse mais
essentielle de la transformation et du perfectionnement des espèces.
2. Ce que j'appellerai Téléomorphisme qui associe au hasard un vecteur
biologique conduisant l'espèce vers un but à réaliser, précodé dans
l'interprétation du langage génétique. Mon propos n'est certainement pas de discuter de l'origine des organes des
sens. Je désire seulement prendre des exemples dans la façon dont ils
fonctionnent actuellement, afin d'exposer ma pensée. Cela dit, je penche
pour ma part, vers une position intermédiaire, assez prudente à l'égard des
certitudes d'écoles. Pauli a clairement démontré que le hasard et la
nécessité ne peuvent pas être les seuls facteurs impliqués dans l'évolution
des espèces. Le temps nécessaire dépasserait largement celui de la durée
d'existence de la planète. En ce qui concerne l'?il, il n'est cependant pas établi qu'il n'a pu
apparaître qu'au stade complet d'efficacité. Ce genre de raisonnement
conduirait d'une part au rejet total de la théorie de l'évolution et de la
maturation progressives des organes de la vision, et d'autre part à
l'adoption du principe d'une mutation subite. Il faudrait alors admettre
que celle-ci a mis en place un instrument immédiatement utilisable parce
que parfaitement achevé. Cette opération miraculeuse n'est pas très
plausible. La difficulté de raisonnement reste réelle, jusqu'à ce que l'on
comprenne qu'elle réside seulement dans un préjugé. Il consiste à
considérer l'organe comme un appareil destiné à donner une image fidèle du
monde extérieur, comme le fait une chambre noire de photo. Il est alors
simplement défini comme un moyen d'exploration et de connaissance des
objets voisins.
Il faut comprendre que cela n'est pas du tout la fonction primordiale d'un
organe sensoriel en général, ni de l'?il en particulier, et ce n'est pas à
cela qu'il est originellement destiné. Comme les autres organes sensitifs
l'?il originel n'est absolument pas un outil d'exploration. L'?il est fondamentalement un détecteur. Il est destiné à percevoir et à transmettre des indices permettant aux
êtres vivants d'adapter leur propre comportement immédiat en utilisant des
stimuli fournis par des événements extérieurs. En l'occurrence l'?il doit
détecter des indices lumineux. Dés lors qu'il remplit ce rôle, il n'a pas
besoin d'être un appareil optique parfait et peut même être très
rudimentaire. Il suffit qu'il apporte une capacité complémentaire, aussi
faible soit-elle, améliorant peu ou prou la détection des facteurs vitaux,
pour qu'il augmente les chances de survie de son porteur, et qu'il soit
statistiquement sélectionné. A l'origine de la formation d'un tel organe rudimentaire, simplement
détecteur, une seule cellule un peu photosensible, et à peine différenciée,
pouvait ajouter aux signes provenant de la coopération des autres sens
actifs, un indice nouveau, faible peut-être, mais suffisant pour augmenter
significativement l'adéquation du comportement du bénéficiaire aux
conditions extérieures. Ultérieurement, mais seulement si le bénéfice
d'adéquation en était suffisant, le perfectionnement a suivi en utilisant
le même processus sélectif d'évolution progressive. Encore a-t-il fallu que
cette première cellule sensible apparaisse avec une fréquence et une
constance suffisante pour apporter les bases d'une sélection statistique,
et que les messages génétiques nécessaires à sa reproduction à l'identique,
soient reconnus et utilisables. Malgré ces difficultés conceptuelles, la
théorisation de la genèse de l'organe n'est pas la question la plus
complexe qui se pose aux chercheurs. Le problème véritablement difficile
est posé par l'unicité du code génétique, et l'universalité de sa
reconnaissance par tous les organismes vivants. La reconnaissance du code génétique est la vraie question. Ce qui s'est, (peut-être), produit pour l'organe de la vision, s'est aussi,
(peut-être), produit pour les autres organes des sens, dont on constate les
performances avancées dans les différents domaines d'action. Pensez à la
perfection achevée de l'oreille et de l'odorat, et à la sensibilité
extraordinaire du toucher. On ne perçoit pas toujours que cette formation
ne peut se faire que dans le cadre de la coopération des organes déjà
actifs, et seulement lorsque l'apport très mineur d'un détecteur nouveau
mais imparfait peut présenter un intérêt supplémentaire quelconque en
raison des circonstances du moment. Pour de nombreux êtres vivants, et en
raison de conditions initiales diverses, cet intérêt est trop faible pour
entraîner une transformation importante, et les choses restent en l'état.
Dans ce cas, l'organe évolue très peu et reste au niveau minimal des
performances utiles à la survie de l'espèce en cause.
En ce qui concerne la sensibilité à la lumière, c'est le cas des végétaux
qui sont toujours photosensibles mais n'ont pas développé d'organe
détecteur spécialisé. Avec de remarquables exceptions, c'est aussi la
situation de la plupart des invertébrés qui se contentent souvent d'yeux
moins complets, parfois structurés de façon très différente des nôtres,
tels les yeux à facettes des insectes. Ces yeux complexes sont composés
d'assemblages réguliers d'ocelles simplifiées multiples dont on pense
qu'elles détectent pourtant très bien l'ultraviolet et les objets en
mouvement. Par contre les pieuvres, qui sont des mollusques comme les
coquillages et les escargots, ont des yeux assez analogues à ceux des
mammifères. Certains vertébrés constituent des exemples étonnants de divergence
adaptative. Des grenouilles ont un ?il simplifié qui détecte surtout les
taches en mouvement. Les taches immobiles sont mal perçues. Cette réaction
primitive est suffisamment adaptée à la détection de la présence proche
d'insectes comestibles mobiles pour rendre inutile une évolution plus
performante. A l'inverse, on peut évoquer la triple et rema