L'économie classique - prepa eco carnot

A la " liste de base " habituelle constituée par Smith, Say, Malthus, Ricardo et ....
dans laquelle le fonctionnement de l'économie de marché est corrigé par un ...
comme Ricardo, on exclut les rentes du modèle de détermination des prix
naturels. ..... ne résiste guère à l'examen car elle confond prix de marché et prix
naturel.

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L'économie classique par Jean Boncoeur. (CEDEM, Université de Bretagne occidentale, Brest)
Les cahiers français, n° 280 (03/1997) - page 08 Une école introuvable
Il n'est pas facile de dire ce qu'est l'économie classique : objet de
définitions surabondantes, elle ne laisse pas apparaître clairement ce qui
la distingue d'une économie qui serait " non classique ".
Des définitions multiples Pour de nombreux économistes, le vocable " classique " désigne une époque
de l'histoire de leur discipline, plus ou moins étroitement associée à la
révolution industrielle et à l'affirmation des bases doctrinales du
libéralisme. Selon une tradition bien établie, l'âge de l'économie
classique est borné symboliquement par la publication de la Richesse des
nations de Smith en 1776 et par celle des Principes d'économie politique de
Stuart Mill en 1848. Schumpeter adopte une chronologie un peu différente,
en qualifiant d'" âge classique " la période qui s'étend des années 1790
aux années 1870 (ce qui exclut Smith, mais inclut Marx) (1). Deux auteurs
au moins se sont attachés à donner un contenu analytique plus précis à la
notion d'économie classique : pour Marx comme pour Keynes, celle-ci se
définit à partir de l'adhésion à certaines conceptions théoriques, et non à
partir d'un découpage chronologique. Mais ils ne s'accordent pas sur le
critère constituant la pierre de touche de l'économie classique : chez Marx
il s'agit de la théorie de la valeur-travail, alors que Keynes attribue ce
rôle à la loi des débouchés.
Des frontières incertaines Une telle diversité de définitions ne contribue pas à clarifier la question
des contours de l'économie classique, ni celle de la place qu'elle occupe
dans l'histoire de la pensée économique.
Quelques exemples permettent d'illustrer le premier problème : figure
emblématique de l'école classique au sens de Keynes pour son rôle de
découvreur de la loi des débouchés, Say est rejeté par Marx dans les
ténèbres de l'" économie vulgaire " pour son adhésion à la théorie de la
valeur-utilité ; pourfendeur de la loi des débouchés aussi bien que de la
théorie de la valeur-travail, Malthus n'est quant à lui considéré comme
classique ni par Marx ni par Keynes mais, selon Schumpeter, son Essai sur
le principe de population (1798) inaugure l'âge classique ; en plein XXe
siècle, Pigou est promu par Keynes au rang de principal représentant de
l'école classique pour sa Théorie du chômage (1933), alors qu'aux yeux de
Schumpeter cet auteur appartient à un autre âge, marqué notamment par la "
révolution marginaliste " des années 1870.
Au-delà des incertitudes inévitables sur le tracé exact des frontières, les
avis divergent sur la place occupée par l'économie classique dans
l'histoire de la discipline. Pour certains, tels Marshall ou Keynes (2),
elle constitue le socle sur lequel pourra s'édifier à partir de la fin du
XIXe siècle la théorie néoclassique, une fois incorporé le raisonnement
marginaliste. Pour d'autres, au contraire, il existe une rupture radicale
entre les deux écoles de pensée, et ce point de vue est partagé aussi bien
par les maîtres de l'école de Lausanne (Walras, Pareto) que par des
hétérodoxes comme Robinson ou Sraffa.
Une unité problématique Outre le problème posé par la pluralité des critères de définition, on peut
considérer que la notion même d'école classique est sujette à caution. Elle
pousse en effet à surestimer la cohérence doctrinale de l'ensemble que l'on
désigne sous ce terme, et symétriquement à sous-estimer les interactions
entre les éléments de cet ensemble et ceux que l'on a choisi de laisser au-
dehors.
Le premier phénomène peut être illustré par les difficultés qu'il y a à
structurer effectivement l'économie classique autour du concept de valeur-
travail (3) : nonobstant l'exemple célèbre du castor échangé contre deux
daims, il faut opérer une lecture très particulière de la Richesse des
nations pour voir dans Smith un adepte de la théorie de la valeur-travail,
alors que celui-ci prend soin de préciser que son champ d'application ne va
pas au-delà de " ce premier état informe de la société, qui précède
l'accumulation des capitaux et l'appropriation du sol " (4). Après avoir
sévèrement critiqué Smith sur ce point au tout début de ses Principes de
l'économie politique et de l'impôt (1817), Ricardo finit par aboutir à une
conclusion peu différente quelques pages plus loin (5), même s'il en
minimise la portée pour retenir in fine la théorie de la valeur-travail
comme approximation utile. Le second phénomène peut quant à lui être illustré par les relations entre
la pensée de Malthus et celle de Ricardo. Alors que Malthus est placé à
l'extérieur du champ de l'économie classique aussi bien par Marx que par
Keynes, Ricardo est considéré à peu près unanimement comme l'économiste
classique par excellence. Et il est vrai que les sujets de désaccord entre
les deux auteurs ne manquent pas, tant sur le plan théorique que sur celui
des applications pratiques (sur la question des corn-laws (6) notamment).
Cependant, ces désaccords ne sauraient masquer les emprunts majeurs que
Ricardo fait aux analyses de Malthus, en particulier sur la question de la
démographie et sur celle de la rente foncière. Au-delà de ces emprunts, il
est clair que les deux auteurs partagent une vision commune de ce que sont
les problèmes fondamentaux de l'économie politique et de la façon dont il
convient de les aborder.
Une définition pragmatique Peut-être est-on là au plus près de la vérité : si économie classique il y
a, elle se caractérise probablement plus par les questions qu'elle pose que
par les réponses qu'elle leur apporte. C'est en tout cas le point de vue
qui sera retenu ici, et qui amènera à structurer cette présentation autour
de trois grands thèmes : le libéralisme, la théorie de la valeur et de la
répartition, la question de la croissance et des débouchés. Sans chercher à
adopter une définition analytique précise de l'économie classique, on se
limitera à un petit nombre d'auteurs habituellement considérés comme
classiques au sens historique du terme, et entre lesquels existent des
liens importants et nombreux. A la " liste de base " habituelle constituée
par Smith, Say, Malthus, Ricardo et Stuart Mill, on adjoindra Turgot, dont
l'apport théorique original est, comme le souligne Schumpeter, parfois sous-
estimé du fait du caractère inachevé de son oeuvre (il avait d'autres
occupations) et de sa sympathie affichée pour les physiocrates. Cette
présentation s'attachera plus aux aspects analytiques de la pensée des
auteurs qu'aux liens de celle-ci avec le contexte matériel et intellectuel
dans lequel elle se développe - ce qui ne signifie évidemment pas que ce
contexte n'ait exercé aucune influence (7). Libéralisme
Si l'économie classique est généralement associée au thème smithien de la "
main invisible ", on ne saurait lui attribuer la paternité du libéralisme
économique. L'antériorité sur ce point doit au moins être reconnue aux
physiocrates, eux-mêmes influencés par Boisguillebert (Le détail de la
France, 1697) (8). Avec Adam Smith cependant, l'affirmation des bienfaits
du libéralisme économique change sensiblement de terrain (en dépit de
l'impression de continuité produite par le discours naturaliste qui
l'entoure et que critiquera Marx). Le libéralisme de Quesnay se résumait,
pour l'essentiel, à l'affirmation incantatoire de la conformité du "
laissez faire, laissez passer " aux principes de l'ordre naturel, doublée
de la thèse plus prosaïque selon laquelle tout ce qui permet d'assurer le "
bon prix " du grain est également bon pour l'économie et la société en
général. Prenant de la distance par rapport aux obsessions agricoles des
physiocrates, Smith place le débat sur un terrain qui, longtemps encombré
par les thèses utilitaristes de Bentham, ne sera sérieusement balisé que
bien plus tard (sous l'impulsion de Pareto) : celui de l'efficacité. Efficacité de la concurrence Contrairement à une légende tenace, Smith n'est pas exactement le peintre
d'un " monde enchanté " : véritable morceau d'anthologie, le chapitre de la
Richesse des nations consacré aux salaires propose une vision des rapports
entre maîtres et ouvriers qui, plus que toute autre chose, préfigure
directement le Manifeste du parti communiste de Marx (on est loin des "
harmonies économiques " de Bastiat). Dans la même veine, Smith retient le
travail comme unité de mesure de la valeur d'échange parce qu'il représente
à ses yeux le sacrifice " de sa liberté, de son repos, de son bonheur " que
supporte le travailleur lorsqu'il participe par son activité au
développement de la richesse sociale (9).
Tout cela ne peut être concilié avec l'adhésion sans faille de Smith au
libéralisme économique que si l'on prend en compte la thèse selon laquelle
la libre concurrence est supérieure à tout autre mode d'organisation
économique sur le plan de l'efficacité : la main invisible conduit les
entreprises à produire les marchandises que recherchent les consommateurs,
et à les produire au meilleur prix. Dans une certaine mesure, cette thèse
peut être considérée comme une préfiguration rustique des théorèmes
modernes sur l'équivalence entre équilibre walrasien et optimum de Pareto.
Toutefois, ces théorèmes sont assortis de conditions restrictives que
n'avait sans doute pas imaginées Smith (quoiqu'il ait vu le problème des
biens collectifs, qui doivent selon lui être pris en charge par l'État
(10)), et en outre ils ne démontrent pas que d'autres modes d'organisation
économique sont incapables de faire aussi bien (" l'économie pure ne nous
donne pas de critérium vraiment décisif pour choisir entre une organisation
de la société basée sur la propriété privée et une organisation socialiste
", écrira à ce sujet Pareto (11)). Par ailleurs, la théorie smithienne de
la main invisible a une dimension dynamique (la concurrence favorise le
progrès technique), qui échappe à l'analyse en termes d'équili