UE Libre d'Edina Bozoky - UFR Sciences Humaines et Arts

Le présent travail s'intéressera à tous les « marqueurs » de la Nativité, et ils sont
.... Ch. I. Quelques observations générales. Ch. II. Les phénomènes célestes ....
Le point de départ : un prodige de la fin de la République rapporté par Dion ......
Ce Canon n'a rien d'un récit suivi : il se présente sous la forme d'une série de ...

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UE Libre d'Edina Bozoky Miracle et merveilleux dans la mentalité du Moyen Age Introduction
Objet du cours : présenter les aspects les plus fascinants de la mentalité
médiévale : le miracle et le merveilleux. Pour aborder cette question en tant qu'historien, un article de Jacques Le
Goff, intitulé « Le merveilleux dans l'Occident médiéval », rédigé en 1974,
paru en 1985[1], a ouvert la voix.
Après avoir abordé la question du vocabulaire, la « terminologie », il a
tracé la voie pour trois approche du « merveilleux » :
- celle des attitudes des hommes du Moyen Age par rapport aux héritages du
merveilleux qu'ils ont reçu (donc le problème du merveilleux dans la
société et la religion chrétiennes)
- le rôle du merveilleux à l'intérieur de la religion chrétienne (qui
produit le miracle)
- la fonction du merveilleux.
Puis il a dressé un rapide inventaire du merveilleux dans l'Occident
médiéval. Il a également esquissé une chronologie embryonnaire du
merveilleux dans la mentalité médiévale.
*** Je ne me baserai que partiellement sur ces premières propositions de
recherche de Le Goff, mais où je puiserai bien évidemment certains idées et
des thèmes pour mon cours.
Depuis cet article de Le Goff, toute une série d'ouvrages ont été consacrés
à ce sujet. Parmi les grands explorateurs de ce domaine, citons Claude
Lecouteux, et en particulier son livre Au-delà du merveilleux. Des
croyances au Moyen Age, Paris, Publications de l'Université de Paris-
Sorbonne, 1995. Tout d'abord, on doit souligner l'intérêt de l'étude du merveilleux et du
miracle pour l'historien : pour comprendre la mentalité médiévale, il est
indispensable de connaître l'attitude des hommes et des femmes à l'égard de
ces phénomènes. Mais il s'agit d'aller plus loin : nous verrons que le
miracle a un immense rôle dans l'économie, dans la politique, mais il a
aussi une influence sur l'architecture, etc. En ce qui concerne le « merveilleux », il nous fait comprendre l'imaginaire
médiéval, qui transmet et adopte des conceptions antiques de l'Autre, des
mondes surnaturels ou lointains, mais qui invente aussi des nouveautés et
en enrichit la littérature et les images.
Définitions
Je vais partir d'une définition médiévale de Gervais de Tilbury, auteur
d'un ouvrage intitulé
Otia imperialia, traduit en français sous le titre de « Divertissements
pour un empereur », écrit au début du XIIIe (1214-15) siècle pour
l'empereur Othon IV.
Miracles (en latin miracula) et merveilleux (mirabilia) suscitent
pareillement l'admiration, l'émerveillement pour quelque chose de rare et
d'inouï. Si l'on regarde l'étymologie des deux mots, on voit que le verbe
latin mirari est à l'origine.
Mirari, c'est admirer ; mais les auteurs médiévaux distinguent entre les
causes des choses admirables.
Il fait une distinction entre deux grandes catégories :
Miracles (miracula) : les faits n'obéissant pas à la nature, (ou
suspendent l'ordre de la nature) que nous attribuons à la toute-puissance
divine.
« Par miracles, nous entendons plus habituellement les faits n'obéissant
pas à la nature, que nous attribuons à la toute-puissance divine »
C'est ici qu'il classe une vierge qui enfante, Lazare qui ressuscite, ou
des membres infirmes dont on retrouve l'usage.
Ainsi le miracle invite à s'en remettre à sa foi, à admettre ma toute-
puissance de Dieu qui bouleverse l'ordre qu'il a lui-même établi.
Déjà saint Augustin a établi ce rapport : « Les miracles que fit le
Seigneur Jésus incarné furent des oeuvres divines et des avertissements
adressés à l'esprit des hommes leur permettant de comprendre Dieu à partir
de choses visibles. »
Donc il y a deux éléments essentiels : un fait rare, exceptionnel, et
l'intervention de la puissance divine.
Avec une définition moderne, on peut dire que le miracle est « un fait
surnaturel contraire aux lois de la nature que les croyants attribuent à
l'intervention divine » (A. Dierkens).
C. Lecouteux souligne que le miracle (qu'il appelle le « merveilleux
chrétien ») a pour fonction de révéler que rien n'est impossible à Dieu ;
il s'agit de la trace de la toute-puissance divine. Merveille (mirabilis, mirabilia): ce qui échappe à notre compréhension,
bien que naturel ; ce qui fait merveille, c'est notre impuissance à rendre
compte de la cause d'un phénomène. Par exemple, la salamandre qui vit dans
le feu sans être brûlé ; ou encore, les volcans de Sicile qui vomissent des
flammes sans être consumées ; ou encore, la viande de paon qui ne connaît
pas la corruption due au temps qui passe.
De cette façon, le merveilleux suscite la curiosité, la recherche de causes
naturelles cachées, mais qui seront un jour dévoilées et comprises.
Le merveilleux, la merveille, est surtout présente dans la littérature,
soit dans la littérature de fiction, de divertissement (épopée, roman,
etc.), soit dans la littérature de voyage ou didactique (Bestiaires,
Lapidaires, etc. : « merveilleux savant » selon Lecouteux). A cette différenciation fondamentale, il faut ajouter d'autres définitions
qui désignent les catégories de merveilleux. Il y a d'abord portenta (pl.) en latin, que l'on peut traduire par prodige.
Selon les définitions médiévales, ce seraient des phénomènes qui semblent
contre nature (en fait, il n'y a rien contre nature dans la création !). En
général, ce terme est appliqué à désigner des phénomènes hors normes,
monstrueux, comme l'excès de grandeur ou de petitesse, ou l'hybridation,
des phénomènes météorologiques ou astrologiques qui paraissent tout à fait
inhabituels, ou encore c'est le synonyme des monstres, des êtres qui se
trouvent à la frontière de notre connaissance. En général, les apparitions
de portenta sont considérés comme des présages, des avertissements, des
signes pour l'avenir. En ce qui concerne l'usage de ces termes, il faut souligner que les
auteurs médiévaux ne font pas toujours une distinction appropriée, et
utilisent parfois le terme merveilleux pour décrire un miracle de guérison,
et, inversement, le mot miraculeux à la place de merveilleux pour parler
d'un phénomène divin... Il faut évoquer aussi le terme fantastique, qui est un mot peu utilisé chez
les auteurs médiévaux, mais que nous employons pour désigner ce qui est
créé par l'imagination, qui irréel, mais au moins bizarre, inhabituel. De
là, le mot étrange nous ramène vers une définition qui relativise la part
de l'irréel, mais souligne l'altérité, étrangeté des phénomènes.
1 Le merveilleux dans l'Antiquité
D'après André Neyton, Le merveilleux religieux dans l'Antiquité, Paris,
1991
Les prodiges célestes païens Avertissements divins. Ils produisent un bouleversement de la nature dont
on attribue l'origine à une intervention du monde surnaturel.
Le plus souvent, ils annoncent des guerres et des troubles ou se produisent
pendant leur déroulement.
L'historien Tite-Live (59 av. J.-C. - 17 apr. J.-C.) en a recensé un grand
nombre au cours de la 2e guerre punique (218-201 av. J.-C.), bien que lui-
même n'en ait pas été dupe.
Un autre auteur latin, Julius Obsequens (IVe s.) leur a consacré
entièrement un ouvrage (Liber Prodigiorum : « Livre des prodiges » sur les
augures et événements étranges entre 249 av. J.-C. et 12 av. J.-C.). Prodiges venant du ciel : tonnerre dans un ciel sans nuages ; arc-en-ciel
apparaissant par temps serein ; pluies de sang ...
Eclipses du soleil : signifie la disparition d'un homme célèbre, ou
l'abaissement voire la chute d'une cité ou d'un Etat.
Eclipses de la lune : selon Plutarque (46-125), lors d'une éclipse de lune
avant la bataille de Pydna (Macédoine, 168 av. J.-C.), opposant les Romains
et le roi de Macédoine, les Romains frappaient sur des vases d'airain et
brandissaient des torches pour aider la lune.
Selon Tacite (55-120), au début de notre ère, lorsque les légions de
Pannonie se sont mutinées lors de l'avènement de Tibère (2e empereur
romain, 14-17), l'éclipse fut considérée comme un avertissement menaçant.
Les soldats firent retenir leurs trompettes pour revigorer la lune puis,
déçus, ils acceptèrent de rentrer dans l'obéissance.
Flambeaux célestes, apparitions de comètes : également signification
funèbre.
Nuages de formes inhabituelles
Chutes du ciel d'objets variés. D'après Plutarque, lors d'une peste, un
bouclier tomba dans les mains du roi de Rome Numa, pour le salut de la
ville ; il servit de modèle pour la fabrication d'onze autres boucliers, et
tous furent confiés au collège guerrier des Saliens.
Prodiges terrestres Apparitions de fantômes effrayants : après le passage du Rubicon par
César ; avant la bataille de Philippes, suivie du suicide de Brutus (42 av.
J.-C., en Macédoine)... Statues qui transpirent pour manifester leur inquiétude
- comme celle d'Héraclès à Sparte avant l'écrasante défaite de Leuctres
(près de Thèbes) en 371 av. J.-C. (Cicéron, De la divin., I, 34) - celle d'Orphée avant le départ d'Alexandre (356-323 av. J.-C.) pour
l'Asie (Arrien, I, 3)
- celle de Mars quand Hannibal pénétra au coeur de l'Italie (Tite-Live
XXII, 1)
- ou encore celle d'Apollon à Cymé en Eolide, au début de la guerre menée
par Rome contre Antiochus de Syrie (Florus [IIe s.], Tableau de l'histoire
du peuple romain, texte et trad. P. Jal, Paris, 1967, Livre I, 24 [II, 8],
p. 63 :
Guerre de Syrie contre le roi Antiochus
« ...les menaces du ciel étaient terrifiantes et l'Apollon de Cumes sans
cesse humide de sueur. Mais cela venait de la crainte qu'éprouvait le dieu
pour sa chère Asie. » (Ad hoc caelestes minae territabant, cum umore
continu Cumanus Apollo sudaret. Sed hic fauentis Asiae suae numinis timor
erat) Statues qui pleurent : les statues divines lors de l'assassinat de César
(Virgile, I Géorgiques, v. 480, texte et trad. E. de Saint-Denis, Paris
1956, p. 18) A la mort de César, toute une série de prodiges :
« ...Les fleuves s'arrêtent et les terres s'entr'ouvrent ; l'ivoire affligé
pleure dans les temples et le bronze sue » (et maestum illacrimat