Les limites qu'impose le droit de la concurrence aux - ALAI Canada

Les tribunaux pourraient décider d'étendre l'application de la définition ..... refus
de Data General d'accorder des licences sur son logiciel à des compagnies qui
...... Voir aussi P.E. AREEDA, Antitrust Law, New York, Aspen Law & Business, ....
applicables dans le contexte de droit civil et examen comparatif des pouvoirs de
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Les limites qu'impose le droit de la concurrence aux contrats de licence de
droits de propriété intellectuelle : étude comparative du droit canadien,
américain et européen. Christophe Masse*
1 Introduction
2 Les pratiques visant la prise de contrôle d'un marché
2.1 La liberté d'accorder ou de refuser d'accorder une licence
2.1.1 Les limites de la liberté d'accorder ou non des licences
2.1.2 La notion d'élément essentiel
2.2 Les contrats et les accords d'exclusivité
2.3 Les accords de répartition des marchés
3 Les pratiques visant à étendre le contrôle d'un marché
3.1 La rétrocession des améliorations ou « Grant-back »
3.2 La mise en commun de droits et les licences croisées
3.3 Les licences liées et la vente liée
4 Conclusion 1. Introduction
Au moment de la colonisation de nouveaux territoires, les monopoles étaient
des pratiques courantes et nécessaires pour inciter des entreprises à
participer au développement de ces territoires. Ainsi, comme ce fut le cas
au moment de la colonisation du territoire canadien, les gouvernements ou
les monarchies prenant le contrôle des colonies nouvellement formées
accordaient à une ou à un petit nombre d'entreprises le monopole du
commerce sur le territoire de ces colonies[1]. Par la suite, des abus ont
amené un renversement de l'opinion publique qui est devenue plutôt méfiante
face à de tels monopoles en raison de l'immense pouvoir économique qu'ils
permettaient. C'est ainsi que le droit de la concurrence, visant à protéger
les consommateurs contre de tels abus, a pris naissance. Au Canada, c'est
en 1889 que fut mise en ?uvre la première loi visant à interdire les
coalitions[2]. Cette loi qui fut introduite dans le Code criminel en 1892,
criminalisait les ententes et les coalitions entre concurrents qui visaient
à réduire indûment la concurrence. C'est en 1960, que les dispositions
touchant le droit de la concurrence furent introduites dans la Loi sur les
enquêtes et les coalitions[3]. Cette loi qui couvre maintenant une
multitude de pratiques pouvant avoir des effets sur la concurrence[4], fut
l'objet de plusieurs modifications législatives et porte maintenant le nom
de Loi sur la concurrence[5]. Parallèlement, les droits de propriété intellectuelle se sont aussi
développés pour venir encourager le développement des connaissances tout en
tentant de maintenir un équilibre entre cette promotion du progrès
technologique et le maintient de la libre concurrence[6]. Ces droits de
propriété intellectuelle sont ainsi venus prendre une place de plus en plus
importante dans le développement de l'économie des pays industrialisés. Ce
développement, qui permettait la mise en place d'une forme de monopole
légal, a été perçu par certains comme allant à l'encontre des principes du
droit de la concurrence. Les relations entre les droits de propriété
intellectuelle et le droit de la concurrence ont ainsi été qualifiées de
conflictuelles par différents auteurs[7]. Les conflits entre ces deux secteurs s'expliquent par le fait que ces
droits reposent sur des politiques qui, à la base, sont conflictuelles.
D'un côté, les lois de propriété intellectuelle optent pour une approche
qui cherche à mettre à l'abri de la concurrence les innovateurs par
l'instauration de monopoles. En effet, ces lois visent à protéger les
droits de propriété intellectuelle en empêchant la contrefaçon de nouvelles
inventions et de travaux créateurs dans le but de sauvegarder les bénéfices
qui peuvent être tirés de ses activités. Par le fait même, les droits de
propriété intellectuelle limitent donc la concurrence[8]. De l'autre côté, le droit de la concurrence, bien que visant le même
objectif de favoriser le progrès économique, tente de favoriser la
concurrence libre et ouverte en optimisant l'utilisation des ressources. Il
cherche à prévenir les pratiques commerciales restrictives qui
compromettent la production et la diffusion efficiente des produits et des
technologies[9]. En fait, le droit de la concurrence repose sur le principe
selon lequel le bien-être des consommateurs est mieux servi en supprimant
des obstacles à la concurrence. Ainsi, chacun à leur manière, le droit de la concurrence et les droits de
propriété intellectuelle sont devenus essentiels au développement
économique d'un pays. En effet, ces droits favorisent l'innovation et la
diffusion des nouveaux produits et des nouvelles techniques et ils sont
particulièrement importants dans le domaine des nouvelles technologies[10]. L'opposition entre le droit de la concurrence et les droits de propriété
intellectuelle n'est toutefois pas absolue. En effet, cette vision du
conflit entre le droit de la concurrence et les droits de propriété
intellectuelle, qui reposait sur l'atteinte d'objectifs à court terme, a
maintenant laissé place à une vision à plus long terme fondée sur la
reconnaissance que le progrès technologique contribue efficacement au bien-
être du consommateur. Cette nouvelle approche, proposée au début des années
1980[11], mise sur la complémentarité entre ces deux domaines du droit.
Elle prévoit qu'il peut être avantageux de restreindre la concurrence
actuelle dans le but d'encourager la concurrence future, en favorisant
l'introduction de nouveaux produits ou procédés technologiques, et d'ainsi
viser la « maximisation du bien-être social par la production de biens de
consommation aux prix les plus bas »[12]. Les droits de propriété intellectuelle et le droit de la concurrence sont
maintenant vus comme des moyens complémentaires d'atteindre le progrès
économique et l'utilisation maximale des ressources[13]. De plus, avec
l'apparition de droits de propriété intellectuelle plus larges[14], le rôle
du droit de la concurrence et des droits de propriété intellectuelle ne se
limite plus à établir un équilibre entre l'intérêt des consommateurs de
vivre dans un marché régi par une libre concurrence entre les fournisseurs
de différents produits et le besoin pour les consommateurs que soient mis
en place des incitatifs au développement technologique. En effet, ces deux
secteurs du droit doivent aussi établir un équilibre entre les incitatifs
qui encouragent le développement à court terme et les incitatifs visant le
progrès à long terme qui repose sur la concurrence entre différents
producteurs de produits interchangeables remplissant les mêmes
fonctions[15]. Les cas de conflits entre le droit de la concurrence et les droits de
propriété intellectuelle ont été marqués par des périodes où chacun des
deux secteurs dominait l'autre en alternance. Cette alternance est plus
marquée aux États-Unis où le droit de la concurrence a pris plusieurs
années avant de s'imposer sur le droit de propriété intellectuelle. En
effet, même si l'entrée en vigueur du Sherman Act remonte à l'année 1890,
ce n'est que beaucoup plus tard que les tribunaux ont accepté d'opposer le
droit de la concurrence aux droits de propriété intellectuelle. En présence
de litiges opposant le droit de la concurrence et les droits de propriété
intellectuelle, les tribunaux préféraient favoriser l'exercice libre de
toute contrainte des droits de propriété intellectuelle[16]. Cette volonté
de favoriser les titulaires de droits de propriété intellectuelle se
reflétait également au moment d'analyser les restrictions se retrouvant
dans les contrats de licence. Devant de telles contestations, les tribunaux
préféraient s'appuyer sur la doctrine de la liberté contractuelle[17]. Il a ainsi fallu attendre les causes Bathtub[18] en 1912 et Motion Picture
Patents[19] en 1917 pour que la Cour suprême des États-Unis reconnaisse
expressément que les droits de propriété intellectuelle étaient assujettis
aux règles de droit généralement applicables[20] et notamment aux règles du
Sherman Act[21]. Par la suite, l'interaction entre les droits de propriété
intellectuelle et le droit de la concurrence fut régie par une certaine
forme de tension qui a fait apparaître deux nouveaux concepts juridiques.
Le premier prenait le forme d'une présomption selon laquelle un droit de
propriété intellectuelle plaçait son titulaire dans une position de
monopole légal[22] et qu'il était impossible de contester ce monopole
puisqu'il s'agissait de l'objectif visé par la législation sur la propriété
intellectuelle[23]. Le deuxième concept prévoyait que le droit antitrust et
les droits de propriété intellectuelle devaient être analysés comme des
sphères distinctes du droit. Cette théorie prévoyait qu'un droit de
propriété intellectuelle accordait un monopole légal à son titulaire[24],
mais que ce monopole était limité, dans le cas du brevet, par la
description technique des revendications qui avaient été faites[25]. Le
titulaire du droit de propriété intellectuelle était donc libre d'agir à sa
guise dans les limites de son droit, mais risquait d'être réprimandé s'il
outrepassait ces limites[26]. Dans une étude réalisée en 1973, le professeur Bowman résumait les conflits
entre le droit des brevets et la législation antitrust américaine en
affirmant que :
[Traduction] La législation antitrust et la législation sur
les brevets sont souvent considérées comme étant
diamétralement opposées. Comment peut-il y avoir compatibilité
entre la législation antitrust, qui vise à promouvoir la
co