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C'est à partir de cette volonté de saisir le discours socialiste de l'époque .... Oui,
nous soutenons que la Fraternité contient tout, pour les savants comme pour les
..... de se déplacer à pied dans la ville ou de s'amuser le dimanche contribuent
...... La Communauté les prévient ou les répare, et peut seule avoir la puissance
de ...

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LES
AVEUGLES
ET LES
SOURDS-MUETS
HISTOIRE - INSTRUCTION - EDUCATION - BIOGRAPHIES
PAR
Alex. RODENBACH
AVEUGLE, MEMEBRE DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS, ANCIEN DEPUTE AU CONGRES
NATIONAL, CHEVALIER DE L4ORDRE DE LEOPOLD, DECORE DE LA CROIX DE FER,
BOURGMESTRE DE RUMBEKE-LEZ-ROULERS, ANCIEN MEMBRE DE LA COMMISSION
SUPERIEURE D'AGRICULTURE DU ROYAUME, MEMBRE DE LA SOCIETE DE LITTERATURE DE
GAND, COLLABORATEUR DES ANNALES DE L'EDUCATION DES SOURDS-MUETS ET DES
AVEUGLES DE PARIS, MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIETE DES SCIENCES, DE
L'AGRICULTURE ET DES ARTS DE LILLE, ET DE PLUSIEURS SOCIETES SAVANTES . Ouvrage orné
D'un alphabet manuel des sourds muets et de deux fac-simile
de l'écriture de Massieu et de l'auteur. ______o______ BRUXELLES,
J.-A. SLINGENEYER AINE, IMPRIMEUR-EDITEUR,
RUE SAINT-LAURENT, 4.
___
1855
(5)
LES AVEUGLES
ET
LES SOURDS-MUETS __________________________ PREMIERE PARTIE
___ Les Aveugles La plupart des écrits qui ont été publiés sur les aveugles sont
remplis d'exagérations et d'erreurs. Il appartenait à un de leurs
compagnons d'infortune de les juger sans illusion, et de les apprécier avec
équité. Ne partageant point les préjugés consacrés par le temps et
l'ignorance, je vais tâcher de baser mon opinion sur des faits, et de
motiver avec la même franchise mes critiques et mes éloges.
L'instruction, premier bienfait de la civilisation, source abondante
des consolations les plus pures, devient surtout pour les aveugles un
besoin d'autant plus attrayant, que, connaissant la possibilité d'en
recueillir les précieux avantages, ils ne ressentent que plus vivement le
regret d'en être privés. La vue est, de tous les sens, celui qui procure à
l'homme les sensations les plus délicieuses; c'est toujours aux dépens de
notre propre bonheur que nous cessons d'en jouir, quoique le développement
des autres sens, (6) notamment celui du toucher et celui de l'ouïe,
dédommage en quelque sorte de la privation de la lumière. Je ne parle pas
ici de l'aveuglement au sens moral et figuré; celui-là donne la félicité,
et nos salons sont remplis d'aveugles heureux de cette espèce.
Jusqu'au milieu du dix-huitième siècle, on n'avait guère songé à
procurer aux aveugles d'autre enseignement que celui du travail manuel; il
n'existait pour ces malheureux aucun établissement d'instruction ; car le
célèbre hôtel des Quinze-Vingts, à Paris, n'était et n'est encore qu'un
hospice destiné aux indigents frappés de cécité. Fondé en 1269 par saint
Louis, roi de France, il reçut pour premiers pensionnaires trois cents
chevaliers croisés, - quinze (fois) vingt, - devenus aveugles par suite des
maladies qu'ils avaient contractées en Orient; d'autres prétendent que ces
trois cents chevaliers laissés en otage au soudan d'Egypte, furent renvoyés
au roi de France après que le soudan leur eut fait crever les yeux. Quoi
qu'il en soit, les Quinze-Vingts furent, comme a dit un écrivain, les
Invalides de saint Louis.
L'idée de rendre les aveugles utiles à la société et à eux-mêmes,
appartient à Valentin Haüy, qui créa, en 1784, la première école d'aveugles
qui ait existé.
Il est curieux d'apprendre par quel hasard il conçut le dessein de se
dévouer à leur instruction. Voici le récit qu'il en fait lui-même : « Une
nouveauté d'un genre singulier, dit V. Haüy, attirait, il y a plusieurs
années, un concours de monde à l'entrée d'un de ces lieux de
rafraîchissements placés dans les promenades publiques où d'honnêtes
citoyens vont se délasser un instant vers la chute du jour. Huit à dix
pauvres aveugles, des lunettes sur le nez, placés le long d'un pupitre,
qui portait de la musique, exécutaient une symphonie discordante qui
semblait exciter la joie des assistants; un sentiment tout (7) différent
s'empara de notre âme, et nous conçûmes à l'instant la possibilité de
réaliser, à l'avantage de ces infortunés, des moyens dont ils n'avaient
qu'une jouissance apparente et ridicule. L'aveugle, nous dîmes-nous, ne
connaît-il pas les objets à la diversité de leurs formes? Pourquoi ne
distinguerait-il pas un ut d'un sol, un a d'une f, si ces caractères
étaient rendus palpables? »
Bientôt V. Haüy soumit au jugement de l'Académie royale des sciences,
un mémoire dans lequel il expliquait les moyens dont il proposait l'emploi
pour l'instruction des aveugles; en conséquence, une école leur fut
ouverte; ils étaient pour la plupart errants sur la voie publique, en proie
à l'ignorance et à la misère; ils furent réunis dans un local par les soins
de personnes généreuses, et soustraits, dés lors, à l'abandon et à la
contagion du vice. Le moment était favorable à l'érection d'un pareil
établissement. La philanthropie était devenue, à cette époque, une espèce
de mode à laquelle tout le monde s'abandonnait, les uns par humanité, les
autres par ostentation. Il y eut une foule de souscriptions pour la
nouvelle école, et par les effets magiques de la mode, les aveugles
devinrent l'objet de toutes les conversations. V. Haüy sacrifia sa fortune
pour leur être utile; la vie entière de cet homme de bien ne fut qu'une
longue action de bienfaisance, et c'est à ce généreux savant que les
aveugles sont redevables de n'être plus une calamité pour leur famille;
jamais je n'oublierai ce bon maître, - car il fut le mien, - et je témoigne
ici, au nom de tous les aveugles, une reconnaissance éternelle à celui qui
fut leur protecteur et leur guide.
Je ne citerai pas les brillants succès qui ont couronné les efforts de
ce célèbre professeur; mais j'aime à constater que, par ses procédés
ingénieux, il parvint, pour ainsi dire, à donner aux aveugles une nouvelle
existence. Sou-(8) straire ces infortunés au pénible et dangereux fardeau
de l'oisiveté, leur faire trouver dans le travail une ressource contre
l'indigence, et partant les consoler de leur malheur, tel est le résultat
de la méthode inventée par Valentin Haüy. Elle consiste d'abord à faire
exécuter aux aveugles divers travaux relatifs aux arts et métiers, comme
fabriquer des paniers, des brosses, des sangles, des cordages et des filets
de toute espèce, tisser de la toile, du coton et de la laine, tricoter des
bas, des bourses, etc., tresser des nattes, accorder les pianos, et autres
ouvrages manuels, qu'il serait fastidieux de mentionner ici. La
connaissance de ces divers métiers procure aux aveugles indigents des
avantages inappréciables; quant à ceux qui appartiennent à la classe aisée
et ceux dont l'intelligence est susceptible d'être développée, on leur
enseigne la lecture, l'écriture, les langues, la géographie, la
littérature, les sciences physiques et mathématiques, la musique et surtout
l'orgue, les jeux de cartes, de dames, d'échecs et de dominos. - Ce
programme a été scrupuleusement suivi par les successeurs d'Haüy. Le seul
progrès que j'aie remarqué à l'Institut des aveugles de Paris, c'est
l'introduction de la gymnastique destinée à améliorer l'état physique des
aveugles et à développer leurs organes dans de justes proportions.
A l'aide de l'heureux système d'instruction adopté par Haüy, on fait
presque oublier aux aveugles leur malheur, et l'on rend à la société des
hommes qui souvent en font l'agrément, car l'expérience prouve qu'ils sont
naturellement plus gais que leur infortune ne le ferait présumer.
Voilà succinctement toutes les connaissances que les aveugles peuvent
acquérir. Cette instruction est immense; mais comme les hommes veulent
toujours du merveilleux, les auteurs anciens ont exagéré les talents et les
défauts (9) des aveugles, et les modernes, sans examen, sans réflexion, ont
répété leurs erreurs ; c'est ainsi qu'on a répandu et propagé dans la
société une foule de méprises, soit par le désir d'étonner les hommes, -
car beaucoup vous en savent gré, - soit pour captiver le vulgaire, qui
admire l'exagération et l'hyperbole. Un préjugé généralement répandu, c'est
que la perte d'un sens tourne à l'avantage des autres sens; cette assertion
est téméraire, je dirai plus, elle est totalement absurde. La
perfectibilité de l'ouïe et du toucher, ce dernier appelé si ingénieusement
le sens géométrique, n'est accordée aux aveugles que par l'exercice
continuel de ces deux sens. La nécessité est la seule cause de la
supériorité que les aveugles ont à cet égard sur les clairvoyants. Que ces
derniers pratiquent davantage le sens du toucher, et la supériorité
n'appartiendra plus à l'homme frappé de cécité. Si ce préjugé avait quelque
fondement, il s'en suivrait que l'on pourrait établir en principe, que la
perte d'un ou de plusieurs sens détermine une compensation morale; mais il
n'en est pas ainsi. Ce que l'on a dit de la mémoire prodigieuse des
aveugles est également erroné. Cette supériorité n'est encore due qu'à la
nécessité et à l'exercice. Mais une autre cause de leur grande mémoire,