QUESTIONS D'EPISTEMOLOGIE QUESTIONS D'EPISTEMOLOGIE ...

Et pourtant, nous ne posons notre question qu'afin de savoir ce que c'est qu'une
.... c'est la notion de compétence, que ce soit celle du savant, qui affirme qu'elle
lui ..... Dans une longue page de l'Optique, citée par Koyré[20], Newton rappelle
son ..... un temps amusé par le happening, « on ne voit toujours pas le rapport ».

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QUESTIONS D'EPISTEMOLOGIE
QUESTIONS D'EPISTEMOLOGIE
ACTES DU STAGE DE FORMATION PERMANENTE (MAFPEN)
DES LANDES ET DES PYRENEES ATLANTIQUES Lycée Gaston Fébus, ORTHEZ
16 novembre, 14 décembre 1994, 18 janvier et 14 février 1995
Organisé par Fabien Grandjean « Par-delà les étoiles, par-delà toute chose, c'est vers
l'inconditionné que nous visons, là-bas où il n'y a plus de
choses qui fourniraient un sol et fondement.
Et pourtant, nous ne posons notre question qu'afin de savoir
ce que c'est qu'une pierre, ce que c'est qu'un lézard qui sur
la pierre se chauffe au soleil, ce que c'est qu'un brin
d'herbe qui pousse à côté de la pierre, et ce que c'est que ce
couteau que nous tenons peut-être en main, nous qui sommes
couchés là sur la prairie. »
M. Heidegger, Qu'est-ce qu'une chose?, trad. Jacques Reboul
et Jacques Taminiaux, Paris, Gallimard [1971], 1979, p. 20-21.
TABLE DES MATIERES
André Gobart - L'épistémologie et son enseignement dans les classes
terminales 5 Fabien Grandjean - Du commerce entre économie politique et philosophie 23 Jean-Pierre Massat - Science, métascience, épistémologie. Essai sur René
Thom 53 Anne Théveniaud - À propos de Galilée 73 Jean-Michel Roy - L'arbre russellien de la philosophie : logique et
épistémologie dans l'atomisme logique 97 Index nominum 159
L'EPISTEMOLOGIE ET SON ENSEIGNEMENT
DANS LES CLASSES TERMINALES OBJECTIFS ET CONTENU
Nous proposons d'étudier, au cours de cette intervention, les rapports
entre la philosophie et les sciences, en liaison avec l'enseignement de
l'épistémologie dans les classes terminales. Ce qui nous intéresse, c'est
la réflexion que mène le professeur de philosophie, lorsqu'il aborde les
questions scientifiques avec les élèves. Pour ces derniers, philosopher sur
les sciences ne va pas de soi : déjà, l'enseignement de la philosophie,
dans son ensemble, est différent du reste de l'enseignement. Il est
difficile de faire adopter une discipline qui s'efforce d'atteindre le vrai
sur tout ce qu'elle examine, alors qu'elle n'est pas et refuse même d'être
un savoir constitué. Mais la différence s'accuse davantage à propos des
sciences, tant celles-ci paraissent détenir, avec une autorité qui
décourage toute réflexion, la légitimité du savoir. Ainsi, les élèves
montrent une réticence particulière à l'égard de la philosophie quand elle
s'applique au savoir lui-même et qu'elle entreprend de le questionner.
C'est donc vers eux qu'il faudrait orienter la réflexion, dans une approche
qui relèverait presque de l'étude des mentalités. Nous le ferons à partir
de quelques observations générales qui serviront de toile de fond à notre
analyse. Il serait utile également de considérer l'enseignant et sa
formation : travail vaste et systématique qui dépasse le cadre et l'esprit
de cet exposé. Celui-ci portera essentiellement sur les relations entre
philosophie et sciences, non seulement telles qu'elles se présentent, mais
aussi telles qu'elles peuvent être pensées à l'intérieur de notre
enseignement : interrogation, plus que description, dont il reste à
préciser les termes.
Pour ce faire, nous évoquerons ce qu'écrivait J. Piaget, il y a une
trentaine d'années, sur les rapports entre les sciences et la philosophie.
Ses propos ne concernent pas directement la philosophie au lycée, mais ils
éclairent, quoique négativement, notre sujet, en exprimant, au-delà du
simple constat, un état d'esprit. Piaget, donc, dans son introduction à
l'un des volumes de l'« Encyclopédie de la Pléiade » marquait la séparation
établie, pérennisée par l'institution universitaire, entre la philosophie
et les sciences.
« dans les congrès internationaux de mathématiciens, observait-il, toute
une section est consacrée à l'étude des "fondements des mathématiques",
cette analyse épistémologique étant conduite par les mathématiciens eux-
mêmes, à l'instar de H. Poincaré, de D. Hilbert et de tant d'autres [...]
les meilleurs travaux d'épistémologie de la physique ont été dus aux
physiciens eux-mêmes ... »[1]
De là, il prévoyait : « l'avenir de l'épistémologie est sans doute à situer sur le terrain des
recherches interdisciplinaires spécialisées bien plus que sur celui de la
réflexion spéculative isolée. »[2] Ces déclarations sur la séparation entre les sciences et la philosophie
conduisent à disqualifier toute prétention de mener une épistémologie au-
delà (métascientifique) ou à côté (parascientifique) des sciences[3], comme
il a pu en exister dans le passé : il n'y aurait, désormais, que des
épistémologies « scientifiques », nées des sciences et dans les sciences,
rendant nul et non avenu tout effort de les penser de l'extérieur.
Autrement dit, la philosophie des sciences serait appelée à disparaître,
comme absorbée par elles, et les sciences à devenir des sciences closes.
Même si nous admettons le caractère excessif de ces positions, du moins
dans leurs prolongements, si ce n'est dans leur principe, l'idée de
séparation, d'isolement entre sciences et philosophie est très parlante au
niveau de l'enseignement secondaire. Là, la réflexion du philosophe a pour
objet un savoir et une pratique scientifiques qui, le plus souvent, lui
échappent. On pourra mettre en cause son manque de formation scientifique,
qui ne lui permet pas de suivre le progrès des connaissances, jusque même
dans leurs retombées scolaires : à charge pour lui, dira-t-on, de
s'informer et de s'instruire par lui-même. Mais se pose également le
problème suscité par l'organisation du système universitaire, avec sa
longue histoire. Il est difficile de ne pas rappeler la frontière de fait
qui est instituée, d'un bout à l'autre de la scolarité et des études, entre
les disciplines scientifiques et les disciplines littéraires. On le
déplorait déjà au début du siècle;;;;[4].
Pourtant, ce n'est pas directement ce point que nous proposons
d'examiner, même s'il est important de l'avoir à l'esprit. Nous chercherons
plutôt à définir le rôle qui revient au philosophe, en considérant à la
fois les conditions objectives, extérieures de son enseignement, c'est-à-
dire les connaissances scientifiques des élèves - spécialement l'idée
qu'ils s'en font à partir des cours qu'ils reçoivent ou l'image véhiculée
par l'opinion - et les possibilités internes à sa discipline, lorsqu'elle
entreprend de penser son rapport aux sciences. Comment enseigner
l'épistémologie dans les lycées, compte tenu de ce que sont et le savoir
environnant et les ressources propres de la philosophie? Quelle est la
légitimité du professeur de philosophie et dans quel discours la fera-t-il
reconnaître par les élèves? Double question, qui interroge, sans les
séparer, les objectifs et le contenu, la finalité d'une discipline, de son
enseignement, et son exercice même.
*
* *
Examinons, pour commencer, la représentation que les élèves se font des
sciences et de la philosophie. Elle est fondée, pour les sciences, d'une
part sur une pratique depuis longtemps éprouvée, au travers des cours,
d'autre part sur une vision plutôt sommaire et naïve de la vérité
scientifique, sans lien d'ailleurs avec la pratique évoquée à l'instant, et
présentée sous la forme du « C'est prouvé scientifiquement », qu'on entend
souvent prononcer en cours de philosophie, comme un défi lancé à la
philosophie. Le philosophe, quant à lui, quelle que soit sa culture
scientifique, est censé tenir, aux yeux des mêmes élèves, un discours non
seulement extérieur aux sciences - ce qui est juste du point de vue
moderne, kantien : la philosophie n'est pas une science - mais étranger à
elles : étranger, c'est-à-dire « n'ayant rien à voir avec » ; comme si la
philosophie, accueillie avec faveur, ou au moins avec curiosité,
lorsqu'elle parle de la morale, de l'art, de la religion, par exemple, et
sous certaines conditions des sciences de l'homme, notamment la psychologie
- il faudrait aussi envisager à part le cas de la psychanalyse - devenait
déplacée en s'autorisant à parler des mathématiques et des sciences de la
nature. C'est, en effet, à ces dernières que s'adresse surtout notre
réflexion.
Il semble donc que les élèves assument pleinement, jusqu'à la réclamer,
la séparation instituée entre sciences et philosophie. Bien sûr, ils ne
pensent pas cette séparation dans les termes où l'exposait Piaget,
puisqu'ils l'éprouvent, simplement, en praticiens. Ils ne cherchent pas à
réfléchir sur leur démarche, puisque la validité de celle-ci est avant tout
confortée par la sanction d'un résultat, et ils se trouvent ainsi placés
dans une vision normative de la vérité scientifique, autant par leur
pratique directe que par l'image officielle qui est diffusée autour d'eux.
Revenons un instant sur ce thème de pratique : nous adoptons ici le sens
courant, non philosophique, tel que l'indique le vocabulaire Lalande :
« exercice habituel d'une certaine activité » (sens 4) et « par suite,
l'usage considéré dans ses effets, l'habileté générale qui en résulte »
(sens 5). Il