1 - L'esprit économique impérial

Le pôle langues, langage et cultures regroupe une palette de langues vivantes
selon .... Les examens passés en Italie font l'objet d'une équivalence, établie au
... Le département d'italien d'Aix-Marseille Université propose quatre axes ......
Romano S., Histoire de l'Italie du Risorgimento à nos jours, Paris, Point Seuil,
1977.

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Hubert Bonin
La Compagnie algérienne levier de la colonisation et prospère grâce à elle
(1865-1939) L'histoire des banques actives dans l'Empire colonial français manque
encore de substance ; or il paraît intéressant de jauger le degré de
développement de l'outil bancaire pour déterminer si l'équipement de
l'outre-mer en instruments de financement a accompagné la croissance et a
pu la stimuler ou la faciliter. Tandis que nos recherches ont déjà précisé
l'implantation du Comptoir national d'escompte de Paris en Tunisie et
reconstitué l'histoire du Crédit foncier d'Algérie & de Tunisie, le hasard
d'une recherche sur l'histoire de la Banque de l'union parisienne nous a
amené à découvrir l'évolution d'une maison destinée à fusionner avec elle
dans les années 1960, la Compagnie algérienne[i]. Or celle-ci est la
onzième banque française (pour la collecte des dépôts) en 1929, juste
derrière le C.F.A.T. et la Sogenal, mais devant la Banque de l'union
parisienne ou de grosses banques régionales comme la Société nancéienne et
la Société marseillaise de crédit et devant le Crédit industriel &
commercial ! Déterminer quelles forces ont porté la Compagnie algérienne au
sein du peloton de tête des banques françaises est la motivation de cet
article ; il devrait permettre également de dessiner les contours d'une
histoire comparative entre les banques d'outre-mer, tant françaises que
britanniques ou belges... 1. Une firme de la colonisation : la Société générale algérienne (1865-
1877) Pendant que les banquiers bataillent en métropole pour profiter sur chaque
grande place des retombées de l'expansion industrielle et commerciale, des
financiers conçoivent des outils de mise en valeur des contrées d'outre-mer
qui s'ouvrent de plus à la colonisation. Des banques coloniales se sont
créé dans les Antilles, la Banque du Sénégal est née en 1853, le Comptoir
d'escompte de Paris essaime déjà dans plusieurs pays exotiques (Inde,
Extrême-Orient). Or l'Afrique du Nord séduit de plus en plus
d'investisseurs, qui y détectent des occasions d'affaires alléchantes. A. La création de la Société générale algérienne Ainsi, Paulin Talabot, déjà l'un des initiateurs de la fondation de la
Société générale en 1864, et Louis Frémy, gouverneur (en 1857-1877) du
Crédit foncier de France (né en 1852) imaginent de monter un organisme qui
pourrait pratiquer tous les métiers de la finance en Algérie : la
colonisation foncière, avec des possibilités de revente par lots à des
colons, l'investissement en moyens de transport (ports, voies ferrées) et
de stockage, avant peut-être la création de firmes qu'on pourrait faire
coter en Bourse, et enfin la banque, tant foncière - pour financer la
colonisation agraire - que commerciale. Cet engouement, quelque peu
affairiste, pour l'Algérie est parallèle à un élan d'investissements
consacrés à l'Egypte (et initié par la Compagnie du canal de Suez) :
l'outre-mer devient un nouvel eldorado, riche en promesses d'affaires et de
profits. La Société générale algérienne[ii] apparaît donc en 1865 pour assumer
l'ensemble de ces activités, en parfait exemple de ces 'banques mixtes' qui
fleurissent à l'heure du bonapartisme saint-simonien (Crédit mobilier,
Crédit foncier, Crédit lyonnais, Société générale). La convention du 18 mai
1865 réunit des créateurs de la Société générale l'année précédente (Paulin
Talabot, alors directeur général de la compagnie ferroviaire P.L.M.,
Edouard Blount, Octave Denière, Edouard Hentsch, de la maison de Haute
Banque Hentsch-Lütscher, tous quatre administrateurs de la Société
générale), des personnalités liées au Crédit foncier[iii] (Frémy lui-même,
Ernest Leviez, sous-gouverneur du Crédit foncier, O. Latimier du Clésieux
et O. de Soubeyran, deux de ses administrateurs) et divers fondateurs, dont
Théodore Vernes, d'une maison de Haute Banque, et des propriétaires
fonciers en Algérie. Après divers parcours réglementaires (une loi, le 12 juillet 1865, un
décret officialisant la création, le 15 octobre 1866), Frémy en prend la
présidence le 10 novembre 1868. Cela reflète le poids du Crédit foncier en
son sein ; d'ailleurs, son Siège (13 rue Neuve-des-Capucines) se situe dans
le pâté d'immeubles contrôlé par le Crédit foncier (dont le Siège est
localisé au 19 de la même rue). La firme s'appuie alors sur le capital de
relations procuré par ses Pères fondateurs et sur son capital (6,3 millions
de francs émis sur un montant nominal de 50 millions de francs, puis 12,5
millions en 1870-1873 et 22/23 millions en 1874-1876). B. L'essor contrarié de la Société générale algérienne (1868-1877) Pendant une décennie, la S.G.A. entreprend de participer à la mise en
valeur de l'Algérie. En arc-boutant de son implantation outre-mer et en clé
de l'ouverture de ses activités algériennes, elle doit d'abord assumer le
financement de grands travaux d'utilité publique que l'Etat doit réaliser
(routes, chemins de fer) ; et elle doit faire des avances au Trésor,
remboursables en 50 ans, qui doivent financer ceux-ci : un montant de 87,5
millions de francs est finalement ainsi prêté entre 1866 et 1877. Pour
faire face à ces débours, elle émet en 1866-1876 une centaine de millions
de francs d'obligations. En échange, si l'on peut dire, la S.G.A. obtient
des avantages importants car elle peut lancer de vastes entreprises
agricoles et industrielles, qui apparaissent alors prometteuses. a. Une compagnie d'investissement La S.G.A. est d'abord une compagnie foncière, ce qui s'explique par la
forte influence du Crédit foncier en son sein. Sa création reflète en effet
la conception du régime bonapartiste qui, en sus de la colonisation par des
petits exploitants européens, souhaite confier la mise en valeur des
campagnes algériennes à de grandes compagnies concessionnaires[iv], aptes à
la fois à fournir l'argent de l'équipement de base et à assumer les frais
des défrichements et plantations. La Compagnie genevoise de Sétif a été
créée dans cette ligne dès 1853, d'autres grands domaines sont dessinés -
notamment après qu'on a fait passer sous le contrôle de l'Etat nombre de
terres villageoises - et la S.G.A. complète ce dispositif. Après avoir parrainé la Société forestière de Constantine (créée en 1866),
elle reprend (par adjudication) ses concessions après sa liquidation
précoce dès 1871 : elle se retrouve à la tête de plus de 13 000 hectares de
forêts[v]... Une autre estimation chiffre à 18 388 et à 5 940 hectares la
superficie forestière que la Société contrôlerait en deux blocs dans le
Constantinois en 1877. Dès 1868-1869 - et c'est en fait l'objet initial même de la création de la
S.G.A. -, l'Etat lui concède en location de longue durée (un franc par
hectare et par an) un ensemble de 100 000 hectares de terrains (en fait
89 500 hectares dans le Constantinois dont 70 000 dans la zone de l'Oued
Zeneti, 6 000 hectares dans le département d'Alger et 4 500 hectares dans
l'Oranais). Elle esquisse une grande politique de colonisation agraire dans
la province de Constantine, donc à l'est de l'Algérie : elle doit relouer
ses terres à des colons qui se chargeraient de les mettre en valeur. Elle
vise à la création de villages (dans la contrée de Bône), à l'édification
de barrages pour l'irrigation, au dessèchement du lac Fitzara, et, enfin, à
de gros investissements de plantation (Oued Berbès, Aïn Mokra[vi], Aïn
Abid). Elle se munit également d'un 'jardin d'essai', à Hanna, près
d'Alger, une station expérimentale agronomique, afin de déterminer les
meilleurs procédés de mise en culture des terres concédées. Mais seul
l'élan est donné, car, en 1877, seulement cinq villages auraient été
établis sur les terres concédées à la S.G.A., vingt fermes créées, 150
familles de colons établies ; mais, sur certaines surfaces, elle aurait
fait planter quelque 70 000 eucalyptus, en prévision d'une utilisation
industrielle de ce bois. Elle se tourne par ailleurs vers les affaires industrielles. Un article de
ses accords avec l'Etat stipule que « le Gouvernement s'engage à concéder à
la Compagnie les mines dont elle découvrira les gisements pendant une
dizaine d'années » sur les terres dont elle a obtenu la concession. En
outre, elle participe au lancement des Mines de Soumah en 1872 (près de
Boufarik et d'Alger) qui, après l'achat des Mines de la Tafna (près d'Oran)
en 1874, devient la société des Mines de Soumah & de la Tafna (fer et
cuivre), dont la S.G.A. est la marraine et une actionnaire importante. Elle
achète également des carrières de marbre, à Tilfila (près de
Philippeville). Elle participe au mouvement qui vise à équiper l'Est
algérien, même si son influence est contenue par les groupes financiers à
l'affût des affaires à réaliser outre-mer : elle est ainsi associée au
lancement en 1875 de la compagnie ferroviaire du Bône-Guelma - elle a un
siège au Conseil -, montée par des firmes industrielles[vii] en vue de
constituer à terme un réseau algéro-tunisien. b. L'émergence d'une banque Parallèlement à ces activités de compagnie d'investissement, la S.G.A.
s'initie aux métiers de la banque. Elle ouvre des comptoirs à Alger,
Constantine, Oran, Bône et, en métropole, à Marseille, le 1er février 1869.
On peut supposer qu'elle a distribué des crédits aux colons propriétaires
fonciers et immobiliers, en assumant la fonction confiée par le Crédit
foncier. Mais on ignore tout de la réalité de ses opérations. Il semble par
ailleurs que la firme ait, comme son parrain parisien, cédé aux tentations
de prêts faciles sortant du champ de ses missions et organisés par le
Crédit foncier lui-même : elle octroie ainsi diverses avances au Trésor
espagnol, à la Banque hypothécaire d'Espagne, à l'Egypte, dont beaucoup
s'avèrent compromises, notamment l'Egypte qui suspend ses paiements en
1876. c. L'échec d'un rêve En fait, cette S.G.A. a embrassé trop d'espoirs affairistes, a rêvé de trop
d'investissements. Or l'Algérie n'est pas l'eldorado attendu