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de rendement des ... Les revenus peuvent être générés par les actions - par le
biais d'un ...

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3ème partie : La France et la courbe de Kuznets Chapitre 6 : La « fin des rentiers » est-elle une illusion fiscale ? Est-il possible que la « fin des rentiers » soit une illusion fiscale ?
Plus précisément, est-il possible que l'effondrement et la non-
reconstitution des très hauts revenus du capital, phénomène que nous avons
observé au niveau des déclarations de revenus, et qui constitue la seule
transformation structurelle importante de l'inégalité des revenus en France
au 20ème siècle, correspondent en réalité à une évolution totalement
artificielle, qui s'expliquerait simplement par une chute vertigineuse de
la part des très hauts revenus du capital qui est effectivement déclarée au
fisc ? Ainsi que nous l'avons déjà noté, l'ampleur spectaculaire du
phénomène observé invite à un certain scepticisme quand à l'importance de
cette explication. De plus, nous avons vu que l'impact économique « réel »
de l'impôt progressif sur le revenu (et de l'impôt progressif sur les
successions) sur l'accumulation et la reconstitution de patrimoines
importants était suffisamment massif pour expliquer à lui seul pourquoi ces
patrimoines (et les revenus correspondants) ne se sont jamais remis des
chocs de la période 1914-1945, sans qu'il soit nécessaire de faire appel à
l'idée d'un effondrement de la part des très hauts revenus du capital qui
est effectivement déclarée au fisc. Nous verrons également dans le chapitre
suivant que l'on observe le même type d'effondrement structurel dans tous
les pays développés, ce qui suggère là encore qu'il s'agit d'une évolution
économique bien réelle.
Cependant, compte tenu de l'importance de ce phénomène pour notre enquête
(sans lui, aucune compression séculaire des inégalités de revenus n'aurait
eu lieu en France au 20ème siècle), il nous a semblé nécessaire de
rassembler toutes les données disponibles permettant d'évaluer de façon
aussi précise que possible la pertinence de cette explication fondée sur
l'idée d'une illusion fiscale. Nous commencerons par évaluer l'importance
des biais entraînés par les revenus du capital légalement exonérés de
l'impôt progressif sur le revenu, dont la liste s'est considérablement
allongée depuis la réforme de 1914-1917 (section 1). Puis nous verrons ce
qu'il est possible de dire de l'ampleur de la fraude fiscale proprement
dite, et surtout de son évolution au cours du siècle (section 2). Enfin,
nous tenterons d'évaluer la vraisemblance du phénomène d'effondrement et de
non-reconstitution des grandes fortunes en nous plaçant non pas du point de
vue des revenus du capital qui en sont issus, mais du point de vue des
fortunes elles-mêmes, et ce en utilisant la seule source statistique qui
permette d'étudier l'évolution de l'inégalité des patrimoines sur
l'ensemble du 20ème siècle, à savoir les déclarations de successions
(section 3). Précisons d'emblée que ce sont ces données qui constituent à
nos yeux la preuve la plus convaincante du caractère bien réel de la « fin
des rentiers » : les déclarations de successions nous permettront de
constater une chute séculaire vertigineuse du niveau des très grosses
successions, d'une ampleur et suivant une périodisation tout à fait
conformes à ce que nous avons observé à partir des déclarations de revenus,
ce qui est d'autant plus intéressant que ces deux sources statistiques sont
très largement indépendantes l'une de l'autre.
1. Le problème des revenus du capital légalement exonérés de l'impôt sur le
revenu Commençons par rappeler l'ampleur globale du phénomène que nous cherchons
à expliquer. Entre les deux extrémités du 20ème siècle, le revenu moyen par
foyer, exprimé en francs de 1998, a été multiplié par un facteur de l'ordre
de 4,5 (cf. chapitre 1, graphique 1-6). Le revenu moyen déclaré par les 9
premiers centiles du décile supérieur, c'est-à-dire par les fractiles P90-
95 et P95-99 (les « classes moyennes » et les « classes moyennes
supérieures »), a connu approximativement la même croissance que la moyenne
des revenus, avec des coefficients de progression de l'ordre de 4-4,5 entre
les deux extrémités du siècle (cf. chapitre 2, graphique 2-9). Mais si l'on
remonte dans les strates supérieures du centile supérieur de la hiérarchie
des revenus, alors on observe des coefficients de progression de plus en
plus faibles, et on constate même une absence totale de hausse du pouvoir
d'achat pour les 0,01% des foyers les plus aisés : exprimé en francs de
1998, le revenu moyen déclaré par les foyers du fractile P99,99-100 (les
« 200 familles ») n'a toujours pas retrouvé à la fin des années 1990 le
niveau qui était le sien au début du siècle (il lui est inférieur d'environ
10-20%) (cf. chapitre 2, graphique 2-7). Autrement dit, le ratio entre les
revenus des « 200 familles » (fractile P99,99-100) et la moyenne des
revenus, de même d'ailleurs que le ratio entre les revenus des « 200
familles » (fractile P99,99-100) et ceux des « classes moyennes » et autres
« classes moyennes supérieures » (fractiles P90-95 et P95-99), a été divisé
par un facteur de l'ordre de 5 au cours du 20ème siècle.
Dans cette section, nous tenterons de déterminer dans quelle mesure
l'existence de revenus du capital légalement exonérés de l'impôt sur le
revenu, revenus qui ne figurent pas dans les déclarations de revenus et que
nous n'avons jusqu'à présent pas cherché à prendre en compte, est
susceptible d'expliquer ce phénomène. Nous nous concentrerons en réalité
sur les revenus de capitaux mobiliers : les revenus fonciers ont certes
bénéficié d'un certain nombre d'allègements fiscaux au cours du 20ème
siècle (avec notamment l'exonération des loyers « fictifs » depuis
l'imposition des revenus de 1964), mais nous avons vu que les revenus
fonciers avaient toujours eu une importance limitée pour les très hauts
revenus, si bien que la prise en compte de ces exonérations ne peut induire
qu'un rehaussement relativement faible (au maximum de l'ordre de 5-10%) des
revenus des « 200 familles » (fractile P99,99-100) de la fin du siècle.[1]
Parmi les revenus de capitaux mobiliers qui ont bénéficié d'exonérations
partielles ou totales, nous distinguerons le cas des revenus qui sont
progressivement sortis du champ de l'impôt progressif sur le revenu au
cours du 20ème siècle (revenus soumis au prélèvement libératoire et revenus
des divers livrets, comptes et plans d'épargne exonérés) (section 1.1) de
celui des « revenus » qui, du fait de leur forme très particulière, n'ont
jamais été soumis à l'impôt progressif sur le revenu dans les conditions de
droit commun, tels que les intérêts crédités sur les contrats d'assurance-
vie (section 1.2), les plus-values (section 1.3) et les profits non-
distribués des entreprises (section 1.4).
1.1. Le cas des revenus soumis au prélèvement libératoire et des revenus
des livrets Ainsi que nous l'avons vu lors de l'étude de la législation de l'impôt
sur le revenu, il existe deux grandes catégories de revenus de capitaux
mobiliers qui faisaient partie de l'assiette de l'impôt progressif sur le
revenu dans le cadre du système fiscal institué en 1914-1917, mais qui en
sont sorties à la fin du siècle : d'une part, les revenus des bons,
obligations et autres placements à revenus fixes, qui depuis l'imposition
des revenus de 1965 bénéficient du régime du prélèvement libératoire ; et
d'autre part, les revenus des divers livrets, comptes et plans d'épargne
totalement exonérés d'impôt, dont la liste s'est considérablement allongée
depuis le début des années 1950.[2] Ces deux catégories de revenus ne sont
par définition pas prises en compte dans les estimations des revenus des
différents fractiles de hauts revenus présentées dans le chapitre 2 et que
nous avons rappelées plus haut, puisque ces estimations se fondent
uniquement sur les revenus déclarés au titre de l'impôt progressif sur le
revenu. L'enjeu est loin d'être négligeable : à la fin du 20ème siècle, le
volume global de ces deux catégories de revenus a largement dépassé celui
des revenus de capitaux mobiliers déclarés au titre de l'impôt progressif
sur le revenu.
A la fin des années 1990, les revenus de capitaux mobiliers déclarés au
titre de l'impôt progressif sur le revenu (c'est-à-dire essentiellement les
dividendes des actions possédées « directement ») représentent à peine plus
de 100 milliards de francs par an.[3] Dans le même temps, le volume des
revenus soumis au prélèvement libératoire dépasse les 60 milliards de
francs par an,[4] et le volume des revenus perçus chaque année par les
détenteurs des divers livrets, comptes et plans d'épargne totalement
exonérés d'impôt (livrets A, livrets bleus, CODEVI, LEP, PEL, PEP, PEA,
etc.) atteint 130 milliards de francs.[5] On voit donc qu'il n'est pas
exagéré de dire que les régimes dérogatoires sont devenus la règle et que
le régime de droit commun est devenu l'exception : à la fin des années
1990, le volume global des revenus soumis au prélèvement libératoire et des
revenus des divers livrets, comptes et plans d'épargne totalement exonérés
d'impôt est de l'ordre de 200 milliards de francs par an, soit près de deux
fois plus que le volume des revenus de capitaux mobiliers déclarés au titre
de l'impôt progressif sur le revenu. Si ces deux régimes dérogatoires
disparaissaient, c'est-à-dire si le régime du prélèvement libératoire était
aboli et si tous les revenus des livrets, comptes et plans d'épargne
exonérés rejoignaient le droit commun de l'impôt sur le revenu, comme cela
était le cas dans le cadre du