La gestion didactique des situations d'argumentation orale - Hal

Méthodes d'étude de la cellule (complément de cours et exercices). .... 1ère
séance: Structure interne du globe, sismologie et exercices de calcul de la
vitesse des ondes sismiques. ...... 13- Travail sur un mini projet SIG ou examen
final ... et relations de phases;; Système ternaire avec eutectique, système
ternaire avec ...

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La gestion didactique des situations d'argumentation orale Marc Weisser Laboratoire d'Intelligence des Organisations
Université de Haute-Alsace
EA 2182 IUFM d'Alsace
Résumé : le recours à l'argumentation orale en classe résulte à la fois
d'une injonction institutionnelle et d'une nécessité épistémologique. Mais
la gestion des moments de débat n'est pas un exercice familier pour nombre
de praticiens. Cette étude a pour but de mieux cerner le rôle de
l'enseignant au cours de discussions heuristiques / herméneutiques : par
rapport à l'élève (types de reformulations, définition du contrat
didactique), par rapport à la classe (répartition des places discursives,
circulation thématique), par rapport au savoir (construction du faisceau
d'objet). Mots clés : oral ; argumentation heuristique ; argumentation herméneutique
; logique naturelle ; gestion de la classe. Paru in Les Sciences de l'Éducation pour l'Ère Nouvelle n°36/3, U. Caen,
pp. 49-76, 2003. 1. Argumenter à l'école
1. Une question d'actualité.
Les Instructions Officielles de l'école française mentionnent
fréquemment l'intérêt qu'il y a d'initier les élèves à la pratique de
l'argumentation. Cela est vrai à l'école élémentaire :
- Cycle III, français : « exposer son point de vue et ses réactions dans un
débat en restant dans les propos de l'échange » (MEN 2002a-193),
«participer à un débat sur un texte littéraire » (ibid., 173), «saisir
l'enjeu d'un échange, (...) questionner à bon escient, (...) s'inscrire
dans la conversation » (ibid., 170) ;
- Cycle III, sciences : « participer activement à un débat argumenté pour
élaborer des connaissances scientifiques » (ibid., 175).
Et cela le demeure dans l'enseignement secondaire :
- « justifier son point de vue, (...) construire des déductions logiques,
des hypothèses argumentées » (MEN, 2002b-36) ;
- français : « intervenir dans un débat pour exposer une opinion et réfuter
d'éventuelles objections » (ibid., 74) ;
- sciences : « se poser des questions, émettre des hypothèses, (...) savoir
tirer des conclusions » (ibid., 131). Toutes ces injonctions institutionnelles préconisent des activités
langagières qui relèvent du domaine de l'argumentation, si on comprend
cette dernière comme "une activité qui vise à intervenir sur les idées, les
opinions, les attitudes, les sentiments ou les comportements de quelqu'un
ou d'un groupe de personnes" (Grize, 1996-5). Exposer son point de vue,
questionner, se justifier à son tour, tirer des conclusions pour les
soumettre à autrui, ... : toute une variété d'interventions possibles qui
réalisent le processus argumentatif, qui provoquent petit à petit
l'évolution d'une pensée. La mise en application des textes réglementaires ne va cependant pas sans
soulever de nombreuses questions de la part des praticiens et des
formateurs, tant le domaine de l'argumentation est vaste, relevant
d'approches différentes (linguistiques, rhétoriques, épistémologiques).
Nous nous proposons dans cet article de restreindre notre étude aux
situations d'échanges oraux à visée argumentative, en définissant un
argument comme «tout segment qui appuie [étaie] un autre segment, que ce
soit par une relation de causalité, de finalité, d'exemplification, de
restriction, ... » (Golder 1996-55). Et nous appellerons discussion
l'ensemble de l'interaction verbale orale polygérée qui s'établit à propos
d'un thème général qui fait problème.
Dans une telle interaction orale, les interlocuteurs se répartissent
certaines places discursives (Cosnier et Kerbrat-Orecchioni 1997-317 et
ss.) qui témoignent de leur statut de dominant ou de dominé. La «position
haute » revient à celui qui définit le mode discursif de l'interaction,
c'est-à-dire ici qui transforme une simple conversation en discussion, à
celui qui assure la progression thématique, du choix du sujet général à la
conclusion, en passant par les focalisations successives sur différents
sous-thèmes.
En situation scolaire, on s'attend à ce que cette place préférentielle
soit occupée par l'enseignant. De fait, et a minima, tout di-logue entre
deux élèves doit être considéré comme un tri-logue, pour peu qu'il se
déroule en présence du professeur, même si ce dernier ne prend pas la
parole : ce qui s'échange là est surdéterminé par l'institution. Rien
cependant ne force l'enseignant à tenir à tout prix la position haute
d'expliquant : le rapport au savoir ne s'établit pas obligatoirement du
maître vers l'élève, ce dernier peut aussi se voir reconnu le pouvoir
d'exposer un savoir, ou encore celui de questionner le savoir d'autrui. Une
asymétrie existe donc entre les acteurs en présence, mais ses
caractéristiques ne sont pas immuables. C'est sur ce rôle du professeur
dans les échanges argumentatifs oraux que nous désirons porter notre
réflexion.
La communication scolaire est un processus finalisé, c'est-à-dire
qu'elle est autorisée et même provoquée par l'enseignant en ce qu'elle lui
semble constituer au moins un bon moyen pour atteindre certains
objectifs[1]. Le contrat didactique prévoit donc qu'une discussion qui a
lieu en classe est orientée vers un but précis. Ce but est une entité
biface : d'un côté, un aspect explicite, le projet de l'élève (résoudre un
problème, fabriquer un objet, organiser une rencontre, etc.), de l'autre,
un objectif d'apprentissage, souvent implicite, retenu par l'enseignant
(rendre les élèves capables de séparer des variables, de respecter un
cahier des charges, de planifier un déplacement, etc.). Ce qui n'empêche
pas qu'en de nombreuses circonstances, ces deux intentions ne se
recouvrent. Une telle approche des discussions entre élèves est proposée
par Garcia-Debanc (1996), qui insiste sur l'importance de la situation mise
en place : but du débat, données de départ, rôle de l'enseignant. C'est ce
dernier aspect que nous allons tenter de préciser.
Habituellement, dans ce qu'il est convenu d'appeler le «cours dialogué »,
faussement assimilé à la maïeutique socratique, on observe une structure
ternaire des échanges :
1. Question de l'enseignant
2. Réponse de l'élève
3. Evaluation de l'enseignant
1. Nouvelle question de l'enseignant
2. Réponse de l'élève
3. Etc. Dans une telle forme de discussion, c'est le professeur qui gère seul la
planification et la finalisation de l'interaction : lui seul sait où il
veut emmener la classe, lui seul a une représentation complète du but visé,
ainsi que des étapes à franchir successivement. Les élèves quant à eux
parent au plus pressé en activant la coutume scolaire (deviner ce qu'attend
le maître, essayer toutes les réponses imaginables, ne pas laisser de vide,
... cf. François 1990).
Nous montrerons pour notre part qu'il existe une voie moyenne, entre
ce guidage excessif et, à l'opposé, une mise en retrait complète de
l'enseignant. Quelle peut être son action sur l'axe des modèles
intellectifs (apprendre des savoirs sur le monde), sur l'axe de
l'interlocution (apprendre à communiquer à propos de ces savoirs), pour
faciliter les apprentissages ? Comment amener les élèves à (re-) produire
par eux-mêmes des connaissances disciplinaires ou langagières tout en les
guidant dans leur exploration d'un domaine donné ? Un certain nombre d'auteurs se sont penchés sur l'organisation de
débats en classe. Nous retiendrons les propositions de Golder (1996), et de
Dolz et Schneuwly (1998).
Ces derniers définissent trois formes didactiques pertinentes (28 et
ss.) :
- le débat d'opinion, qui vise à influencer la position d'autrui : « Pour
ou contre la mixité ? » ;
- la délibération, dont le but est la prise de décision : « Où aller en
voyage de fin de scolarité ? » ;
- le débat à fin de résolution de problème, dans lequel ce ne sont pas des
opinions qui s'opposent, mais des (quasi-) savoirs : « Pourquoi le buvard
collé au fond d'un gobelet immergé n'est-il pas mouillé ? ».
Ils retiennent la première de ces formes pour leur didactique des oraux
formels, en ce qu'elle leur apparaît «la moins incrustée dans les activités
spécifiques de la classe (...), et par conséquent, la plus facile à
travailler pour elle-même. » (Ibid.)
Golder partage leur position (1996-33) : les systèmes de valeurs des
locuteurs sont pour elle plus «discutables » que les problèmes technico-
scientifiques. Pour cette raison, elle travaille sur des thèmes comme les
différences garçons - filles (1993-364), ou le déplacement de cours du
samedi au mercredi (1992a et b ; 1996-140 et ss.). Nous aimerions prendre nos distances par rapport à ces choix.
Concevoir les problèmes technico-scientifiques comme n'ouvrant pas un
espace de discussion pourrait éventuellement se concevoir s'agissant du
monde adulte, ou mieux, des différents «mondes » des experts : le savoir
savant s'y construirait en obéissant à des règles relativement strictes,
qui appartiennent à la logique formelle (Golder 1996-35). Mais les travaux
des épistémologues, depuis Kuhn et Feyerabend jusqu'à plus récemment
Galison (2002) nous montrent bien que là aussi, le débat, la confrontation
d'arguments sont de mise. Et que dire des sciences humaines ou de la
critique (littéraire, artistique), qui appartiennent elles aussi à