Démarches systémiques & géographie humaine - Hal-SHS

La mesure de la capacité de transfert de l'oxyde carbone. ... La spirographie est l'
examen de base pour l'étude de la fonction pulmonaire. ... Une boucle débit/
volume complète commence par une inspiration profonde puis une ..... Plusieurs
techniques sont possibles : la dilution gazeuse de l'hélium en circuit fermé, le test
 ...

Part of the document


Olivier Orain
Démarches systémiques & géographie humaine Ce cours se propose d'étudier l'usage qui est fait de la notion de
système dans la géographie humaine française, tout particulièrement depuis
les années 1970. Faute de maîtriser de manière équivalente d'autres
traditions géographiques nationales (notamment l'américaine et la russe) et
d'autres champs (la géographie physique globale) qui ont fait usage d'une
terminologie (voire d'une méthodologie) qui se voulait « systémique »,
l'auteur des lignes qui suivent a préféré concentrer son effort sur un
domaine précis, qui pourra sembler parfois étriqué (par ses applications),
parfois démesurément vaste (par ses connections théoriques), mais dont on
voudrait réaliser l'étude de manière relativement précise et détaillée - ce
qui serait difficile si l'on prétendait englober toutes les formes de
« systémisme » géographique.
Le terme central retenu est celui d'« approche systémique ». Cette
formulation permet de contourner plusieurs ambiguïtés, inhérentes à
l'expression la plus répandue en géographie, « analyse systémique ». La
difficulté majeure de cette dernière formule tient au mot analyse, que de
nombreux « systémistes »[1] récusent, au nom des principes systémiques
justement. En effet, le terme analyse, dans la tradition cartésienne,
implique une décomposition de l'objet à connaître, auquel on ne pourrait
accéder qu'en le simplifiant par découpages successifs (même si cette
simplification a d'abord et surtout une valeur pédagogique). Ce faisant,
une démarche analytique pourrait s'entendre comme un examen privilégié des
parties ou des éléments d'un tout (ou d'un ensemble), alors même que la
démarche systémique viserait au contraire la totalité a priori[2]. Dès lors
parler d'« analyse systémique » relève de l'oxymore[3], sauf à donner une
signification plus large au mot analyse comme « examen » d'un objet selon
une dialectique tout/partie qui ne préjugerait pas de ce qui doit être
privilégié (le tout ou les parties)[4]. Il y a néanmoins une ambiguïté
historique qu'il s'agit de lever : l'« approche systémique » est souvent
présentée comme s'étant substituée à des formes plus anciennes (périmées ?)
d'appréhension de la causalité en géographie - que seraient le déterminisme
et le possibilisme[5]. Ce faisant, on épouse le point de vue de certains
géographes « systémistes » - alors même que la position systémiste est loin
d'être le lot commun des praticiens de la discipline aujourd'hui - et on
légitime des catégories d'usage (celles qui ont été majoritairement
manipulées par les géographes français à des époques diverses), plutôt que
des catégories opposables du point de vue de la logique.
Par ailleurs, il n'est pas certain que la pensée systémique soit
réductible à un questionnement sur les causes : pour certains
« systémiciens » (si tant est que cette étiquette ait du sens), tel Jean-
Louis Le Moigne, l'idée de cause implique d'aller rechercher en-deça de
l'objet à « expliquer » une origine ou un phénomène déclenchant, forcément
extérieur(e) à l'objet, forcément antécédent (et impliquant une
diachronie) ; à cette justification classique de la causalité, certains
systémistes opposent donc le concept de finalité : l'objet trouve son sens
non dans ses origines mais dans sa destination, fondatrice de son
fonctionnement et de sa perpétuation. Ce faisant, ils évacuent (ou semblent
préconiser l'évacuation de) l'explication au sens classique, causal, du
terme.
Mais ce qui nous préoccupe ici est l'intersection entre un champ
institutionnellement reconnu (la géographie humaine) et quelque chose de
beaucoup moins facile à étiqueter, qu'on appellera par commodité « théorie
systémique » ou « systémisme », sans préjuger de la qualification la plus
satisfaisante pour cerner ce second protagoniste. Déjà, le mot « système »
a des sens très variables en français ; et tout un chacun l'utilise dans
des acceptions fluctuantes selon les contextes d'utilisation, en général
sans expliciter précisément le sens qui lui est assigné. Pour reprendre une
distinction proposée par Jean Piaget, on pourrait dire que « système »
fonctionne comme une notion (et non pas comme un concept)[6] dans l'usage
que nous en faisons la plupart du temps - c'est-à-dire un mot à forte
valeur d'abstraction (ou de généralisation), avec cette particularité qu'il
n'y a pas un besoin social d'explicitation du (des) sens qu'incarne ce
mot[7]. Il y a la même évidence quand nous parlons de « système » que
lorsque nous utilisons « liberté », « justice », « amour » - et bien
d'autres mots abstraits pour lesquels chaque situation de communication
semble présupposer (mais ce n'est qu'une présupposition...) une communauté
de définition de ces mots entre divers interlocuteurs.
Tout se complique lorsqu'un mot - système -, assez banal et d'usage
vernaculaire[8], est utilisé comme emblème (comme « étiquette » ?) d'une
théorie complexe ou d'une « technologie » intellectuelle recouvrant des
procédures précises et ayant une vocation universalisante - ce qui est le
cas pour « système » en France à partir du début des années 1970. Le
« jeu » de la signification apparaît dès lors brouillé : au vieil usage
notionnel se superpose un nouveau « monde » conceptuel, en l'occurrence
baptisé « théorie systémique » par ses promoteurs. Depuis lors, on ne peut
pas toujours faire aisément la distinction entre ce qui relève des sens
ordinaires et ce qui relève de la théorie des systèmes, celle-ci venant
enrichir la palette des acceptions du mot, et se retrouvant en retour
« parasitée » par l'existence préalable de l'usage notionnel. En ceci
réside la difficulté pratique de ce cours : depuis les années 1970, de
nombreux géographes français usent abondamment (et centralement) de la
notion de système, voire se revendiquent « systémistes ». Mais cela ne doit
pas nous amener à penser qu'il y a une unilatéralité dans ce que désigne ce
mot pour ses usagers, et a fortiori une unilatéralité des discours ou des
pratiques « systémistes » dans la géographie humaine française. Adhérer à
la croyance naïve qui voudrait qu'un mot corresponde de manière intangible
à une « réalité » stable serait particulièrement dommageable dans le cas
qui nous préoccupe.
En revanche, on ne peut en aucun cas considérer « système » comme une
simple notion vernaculaire qu'a utilisée la géographie. D'abord parce
qu'une fraction non négligeable de ses praticiens ont érigé les « systèmes
géographiques » en préoccupation majeure de la discipline à partir des
années 1972-1975. Et surtout parce que le début des années 1970 a vu
s'amorcer la diffusion en France de la General System Theory (Théorie du
système général ou Théorie générale des systèmes, qu'on abrégera en TSG).
Celle-ci peut être définie comme un ensemble de travaux, pour la plupart
américains, fédérés sous cette étiquette depuis la publication, en 1951[9],
du premier article à vocation généraliste du biologiste et mathématicien
Ludwig von Bertalanffy (dont l'ouvrage principal a été traduit en 1973).
Or, dès la même année, on trouve dans L'Analyse quantitative en géographie
de Jean-Bernard Racine et Henri Reymond, manuel qui fera date, un vibrant
plaidoyer pour le développement de concepts et de méthodologies systémistes
dans une discipline qui selon eux, « découvre que la notion de système lui
était depuis longtemps familière, comme la prose à Monsieur Jourdain, et
qu'il ne lui manquait que de la formaliser pour la rendre
opérationnelle »[10]. Durant les années qui suivent, les affirmations
systémiques et les références à la TSG se multiplient dans la géographie
française : tous les dérivés du mot « système » fleurissent dans un nombre
croissant d'articles, une thèse remarquée (celle de Franck Auriac) prend la
TSG pour grille d'analyse principale (1979), un colloque Géopoint intitulé
Systèmes et localisations est organisé en 1984, les chercheurs en
géographie urbaine réunis autour de Denise Pumain et Thérèse Saint-Julien
commencent à développer une réflexion théorique et des tests empiriques
centrés sur le concept de système de villes, etc. Indéniablement, les
années 1970-1980 (avec un pic entre 1979 et 1984) consacrent l'émergence,
la diffusion rapide et la généralisation d'une géographie humaine qui se
veut systémique et fait référence fortement à la Théorie du système
général, via ses expressions mathématiques (citons François Durand-Dastès,
Denise Pumain, les concepteurs du modèle A.M.O.R.A.L., etc.) ou via ses
formalisations sous forme discursive[11] (Franck Auriac, Jean-Pierre
Marchand, Guy Baudelle, entre autres).
Avant cela, dès la fin des années 1960, Georges Bertrand puis une poignée
d'autres géographes physiciens, en rupture avec les approches analytiques
cloisonnées[12] héritées de la tradition, avaient voulu promouvoir une
géographie physique globale dont le concept intégrateur serait le
géosystème[13]. Ici, les modèles sont plutôt l'écologie scientifique
germano-américaine (incarnée notamment par P. E. Odum) et l'école
soviétique de géographie physique (école du Landchaftoviédiéniïé). Le
systémisme « physicien » possède sa généalogie propre, qui doit
initialement assez peu à un transfert (ou à une application) direct(e) de
la théorie systémique telle qu'elle a été peu à peu énoncée dans le monde
anglo-saxon puis en France. En revanche, à la fin des années 1970, on
retrouve dans les trav