doctrines et pratiques du patronat colonial havrais - L'esprit ...

L'examen ne se limite jamais à une seule partie du cours. Il est donc susceptible
de .... La protection du libre jeu de la concurrence. 2.1.1. L'objectif ... A)
Instruments visant à l'équilibre des échanges extérieurs ..... autarcie ou économie
ouverte, étatisation des moyens de production ou appropriation privée, etc?).
Ces choix ...

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Doctrines et pratiques du patronat colonial havrais Claude Malon, docteur de l'Université Paris-IV-Sorbonne et enseignant au
Havre
L'idée coloniale, conçue comme ensemble de représentations, inclut dans
ses composantes un imaginaire économique. Celui-ci est nourri par les
interactions de la doctrine et de la pratique. Il agit et est agi comme
subculture, pour reprendre la problématique du groupe de recherche.
L'imaginaire économique subit des mutations car il est la résultante des
rencontres de la conjoncture et des structures. Quand l'esprit impérial se
construit en identité dans une ville portuaire comme Le Havre, avec le
double travail de l'expérience et de la doctrine, il est logiquement marqué
d'un double caractère. Il est fait de banalité et de spécificité. Il est à
la fois le même et l'autre, c'est-à-dire qu'il est légitimé par
l'appartenance à la France coloniale, mais doit se justifier par un ancrage
dans les réalités et les mythologies locales. La question qui en découle
est celle de la manière dont les élites économiques havraises ont
accompagné le processus de mise en valeur des colonies, à la fois dans un
concert, ''comme les autres'', et en même temps de manière ''autre'', avec
leurs propres raisons d'acteurs inscrits localement. Le passage de la Porte
océane à la Porte impériale recouvre une mutation culturelle dont on
tentera d'apprécier la nature et la durée : aux moments d'apparente
indifférence au fait colonial succèdent des moments où l'identité
spectaculaire émerge d'un travail prosélyte qui tend à se muer en visée
collective. Les contemporains de l'époque étudiée avaient eux-mêmes une
approche systémique du rôle joué par le Havre à l'apogée de l'idée
impériale. Les élites négociantes et portuaires parlent dans les années
1930 d'une "Porte impériale", d'une place originale dans le "mécanisme
colonial", éclipsant pour un temps assez bref l'imaginaire long de la
"Porte océane". On examinera donc successivement la construction des
réseaux et les pratiques impériales, le développement d'une mystique et
d'une identité coloniales, l'instauration d'un dogme impérial puis les
nouveaux agencements de l'imaginaire économique à la charnière de la
décolonisation, en tentant à chaque fois de saisir les interactions de
l'expérience économique et de la doctrine. 1. La construction des réseaux et des pratiques impériales Un appareil colonial se construit au Havre au cours de la deuxième
expansion [1]. Sa genèse sera décrite avant de procéder à un rappel des
grandes phases de l'histoire entrepreneuriale des relations du port avec
l'empire. Le choix de cet ordre n'est en aucune manière significatif d'une
détermination à sens unique entre le réseau et ses pratiques car il y a
bien évidemment interaction des outils et des stratégies. Les pratiques du
négoce et les institutions du Havre commercial sont assez sophistiquées à
la fin du xixe siècle, avec leur système de liquidation et de marché de
terme, avant même que ne vienne se greffer un appareil spécifiquement
colonial. Celui-ci s'est davantage fondu dans la sociologie économique
havraise qu'il ne l'a bouleversée ; et il n'a pu fonctionner sans le moteur
essentiel que constituait la chambre de commerce. A. La Chambre de commerce, berceau des initiatives impériales Lieu de pouvoir colonial, la Chambre de commerce du Havre l'est sans aucun
doute, par sa capacité à créer des organismes de sociabilité ou d'expertise
coloniales. Ses dirigeants notables sont impliqués par conviction et par
intérêt, dans le négoce ou la mise en valeur coloniale. Le poids du négoce
à la direction de la Chambre est plus important au Havre qu'à Marseille, où
les présidents durent moins longtemps, à cause de la règle des trois ans.
Les sept présidents de la Chambre élus entre 1875 et 1945 sont tous des
négociants. Entre les deux guerres, André Mandeix, formé aux Antilles par
la maison Ambaud, devient un personnage central du négoce du rhum. A son
décès succède la longue présidence d'Hermann Du Pasquier, intégré dans les
nombreuses sociétés soudanaises de la boucle du Niger. Vient ensuite
Georges Raverat, homme des docks, du riz malgache et indochinois, âme des
aventures commerciales congolaises dès 1899. Le choix d'un homme des
pondéreux après-guerre, Roger Meunier, est significatif d'une conversion
qui s'affirme dans la vocation portuaire. Mais la longue vice-présidence
d'Albert Charles, entre 1945 et 1965, premier importateur français de bois
coloniaux depuis les années 1920, montre que les intérêts coloniaux sont
toujours bien représentés. La Chambre est donc le lieu privilégié de l'enfantement des organismes
coloniaux. En 1884, la Porte océane crée sa Société de géographie
commerciale[2], c'est le temps des curiosités et des projets. La Société
havraise, en 1884, est l'une des dernières sociétés de province à se
constituer, elle n'est pas la moins enthousiaste : « Ce n'est pas tout que
de conquérir, il faut savoir tirer parti de ces vastes possessions. Les
sociétés de géographie ont leur rôle dans cette oeuvre de mise en valeur »,
affirme le président Loiseau dans son rapport annuel pour 1896. La Ligue
coloniale est fondée en mars 1908 : il s'agit à ce moment d'une section de
la Ligue coloniale française créée par Eugène Étienne en avril 1907. C'est
à la Bourse que se réunissent les fondateurs, pour répondre à l'appel de ce
dernier ; notre but, dit son fondateur Charles-Auguste Marande, est « de
resserrer les liens de solidarité qui doivent exister entre tous les
coloniaux et tous les citoyens, sujets et protégés français partisans de
l'expansion coloniale de la France, [de] provoquer ou seconder les
initiatives qui s'y rapportent, d'organiser directement ou de subventionner
les ?uvres coloniales, les Sociétés de géographie et autres sociétés
savantes ». Elle se constitue en « association absolument autonome »[3] en
1921.
B. La professionnalisation de la sociabilité coloniale
Créé en 1929, sous les auspices de la Chambre de commerce, l'Institut
colonial du Havre devient un carrefour de « la plus grande France ». La
sociabilité coloniale a tissé sa toile. Elle forme réseau en se connectant
plus étroitement à l'économie impériale de la métropole et des territoires.
Cette rationalisation de la sociabilité coloniale se caractérise par la
constitution d'organismes plus efficaces, plus professionnels, par une
division du travail entre les actions de propagande et de défense
corporative coloniale[4]. L'Institut est donc chargé avant tout, de
« renseigner le commerce sur les produits coloniaux et le parti qu'il est
possible d'en tirer »[5]. Il est administré par des membres élus
représentant le négoce colonial et l'industrie, et par des membres de droit
issus de tous les organes de contrôle économique de la cité : Chambre de
commerce, Port autonome (Hermann Du Pasquier et Georges Raverat), Comité du
commerce, de l'industrie et de l'armement de l'Estuaire, Syndicat général
du commerce et de l'Industrie. Sont aussi membres de droit le délégué de la
Ligue coloniale, le directeur de l'École pratique coloniale et un membre de
la municipalité du Havre. Le dispositif, en 1937, atteint son plus haut
degré de perfectionnement avec la création du Comité de propagande
coloniale de la région du Havre. |Tableau 1 : Activités des membres de l'Institut colonial du Havre en 1938 |
|Négociants, commissionnaires, courtiers |88 |
|Compagnies de navigation |8 |
|Syndicats et organisations professionnelles |25 |
|Industriels, docks et entrepôts |18 |
|Banques coloniales et d'affaires |10 |
|Chambres de commerce de France et des colonies |20 |
|Autres |33 |
|Nombre total d'adhérents |202 |
|Source : d'après la liste des adhérents au 31-12-1938, Bulletin de |
|l'Institut colonial du Havre, janvier 1939. | Rares sont les entreprises ou syndicats professionnels qui n'adhèrent pas à
l'Institut colonial du Havre. L'assemblée générale du 22 novembre 1938 par
exemple, rassemble 68 individus représentant les principales affaires de la
place, du négociant à l'industriel, de la Compagnie Industrielle maritime
(stockage des pétroles) aux Docks frigorifiques. L'aspect le plus frappant
est la liaison révélée par la liste d'adhérents à « la plus grande
France » : y figurent les grandes sociétés coloniales d'import-export qui
ont besoin du réseau des commissionnaires et négociants havrais, comme la
Cfao, les banques coloniales telles la Banque de l'Indochine ou le Comptoir
national d'escompte de Paris, les Chambres de commerce des colonies
d'Afrique, d'Indochine, des Antilles ou d'Océanie, les négociants ou
planteurs installés à la colonie, particulièrement en Côte d'Ivoire, à
Abidjan, Agboville ou à Madagascar. L'Institut se présente donc comme un
véritable syndicat colonial, au-delà des conflits et des concurrences. Il a mis en place des comités techniques par produits qui assurent la
transmission de l'information statistique. La Chambre de commerce (dont le
président est membre de droit de l'Institut), parfois n'informe plus mais
est informée par les coloniaux[6]. En témoigne cette brochure sur Les
exportations de cafés des colonies françaises, production et prévisions :
« À la suite d'une très récente enquête effectuée auprès des milieux
agricoles les plus qualifiés de nos colonies productrices, le Centre
d'études techniques des cafés coloniaux, fidèle à son programme de
documentation générale, a estimé utile de publier ci-après les données
statistiques qu'il a recueillies auprès des services officiels. »[7] Ce
Centre d'études techniques des cafés coloniaux est une association-loi de
1901, dont l