Le courant de la régulation, un apport ancien mais caché ... - Hal-SHS

Sur les quelques 550 pages de l'ouvrage « théorie de la régulation : l'état des
savoirs .... Les secteurs industriels, artisanaux et commerciaux comprennent un
très grand ..... Ce constat a été particulièrement net à l'examen du cas argentin.

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Le courant de la régulation, un apport ancien mais caché à l'économie du
développement ?
Retour sur les travaux du séminaire « régulation et
développement »(1996-1999)
(Michel Vernières) (25/2/08) L'analyse de l'évolution économique et sociale des pays en
développement, suppose t'elle le recours à des théories et concepts
spécifiques ? C'est là un vieux débat au coeur de l'économie du
développement. Pour les économistes hétérodoxes, et plus particulièrement
les régulationnistes, considérer que concepts et théories ont une valeur
universelle et atemporelle serait en contradiction avec la nature même de
leur démarche. Ceci ne peut que les conduire à confronter leurs concepts et
leurs analyses à la diversité des situations des pays en développement.
Cette confrontation est, en effet, susceptible d'affiner ces analyses et
d'en préciser la pertinence.
Cependant, en apparence, le courant de la régulation, identifié à
partir de la publication de la lettre, de l'année, de l'état des savoirs et
des Forums[1], a peu centré ses réflexions sur les pays en développement.
Sur les 57 points théoriques de la lettre de la régulation deux (n°13 et
42), seulement, s'appuient explicitement sur l'analyse de l'un de ces pays.
L'année de la régulation pour sa part, en quelque 2.500 pages, en a
consacré 130 à l'économie du développement. Quant aux publications liées
aux Forums, qui avaient chacun un atelier « développement », celle de 2001
comprenait deux communications (sur 40), celle de 2003 sept (sur 65).
Mais ce décompte est une excellente illustration des graves
insuffisances d'une approche bibliométrique. En déduire que le courant de
la régulation n'a pas travaillé à partir de la situation des pays en
développement serait ne pas tenir compte de son rôle dans l'animation de la
réflexion économique hétérodoxe sur les questions de développement à
travers, en particulier, le séminaire « régulation et développement »,
relayé ensuite par le séminaire « institutions et développement ».
En effet, en 1996, l'Association de la régulation décidait
d'organiser un séminaire « régulation et développement ». La faible
implication apparente des régulationnistes dans l'étude des pays en
développement a été à l'origine de cette création. Sur les quelques 550
pages de l'ouvrage « théorie de la régulation : l'état des savoirs » (Boyer
et Saillard 1995), à peine 25 sont consacrées à l'économie du
développement. Parmi les 16 premiers numéros de la lettre de la régulation
un seul, le n° 13, lui est consacré (Soria 1995). Certes, il a été
souligné, dès la première réunion du séminaire et à partir d'un premier
recensement, que d'assez nombreux travaux avaient été réalisés, sous des
formes diverses et pas toujours facilement accessibles[2]. Mais ces travaux
apparaissaient comme dispersés. L'absence d'un lieu de confrontation et
d'échanges ne facilitait pas leur capitalisation à des fins de synthèse
théorique et de prise en compte plus systématique de leur apport pour
l'économie du développement.
La nécessité d'un tel lieu apparaissait d'autant plus forte que, au
cours des deux décennies précédentes (1975-1995), les études sur le
développement avaient été caractérisées par une remise en cause globale des
théories et schémas anciens et par une concentration des travaux sur des
champs plus étroits. C'est ce que Philippe Hugon (1993) avait qualifié de
« temps de la gestion ». Les participants au premier séminaire (14/2/96)
avaient jugé la création d'un tel lieu de débats comme particulièrement
opportune du fait qu'ils étaient, de plus en plus, confrontés à un retour
en force de l'analyse orthodoxe en économie du développement.
Pendant trois ans, de 1996 à 1999[3], ce séminaire s'est réuni une
vingtaine de fois (cf., en annexe, la liste des séances). C'est, dix ans
après, par un regard rétrospectif sur ses travaux que les quelques lignes
qui suivent voudraient synthétiser ses apports pour identifier l'état de la
réflexion du courant de la régulation à cette époque. Les autres articles
de ce numéro de la revue et des recherches ultérieures pourront permettre,
à partir de là, d'identifier les permanences et les évolutions enregistrées
en 2008.
Un premier constat s'impose quant aux terrains privilégiés pris comme
points de départ des analyses proposées. Contrairement à la dominante des
travaux français sur le développement, l'Afrique Sub-saharienne et le
Maghreb ont été relativement peu étudiés,[4] au contraire de l'Amérique
latine[5]. Ce fait, quelles qu'en soient les causes, invite à s'interroger
sur son impact analytique pour l'appréhension théorique des questions de
développement dans un Monde où les différences entre pays du Sud ne cessent
de s'accentuer. Ceci a conduit à juger fondamentale, dès les débuts du
séminaire, la question de la comparabilité des trajectoires de
développement et ce n'est sans doute pas un hasard si la dernière réunion
de ce premier cycle de séminaire a porté sur la méthodologie des
comparaisons internationales.
Dès la première séance du séminaire, il est apparu avec force que les
« quatre piliers de la théorie de la régulation », pour reprendre
l'expression de Boyer et Saillard (1995), apparaissaient constituer une
assise solide pour l'analyse des pays en développement. Ce constat confirme
le fait que la théorie de la régulation est une approche féconde pour
l'étude de ces pays (1). A cette fin l'utilisation analytique des formes
institutionnelles, éléments important de cette théorie, s'est révélée
pertinente (2). Mais de délicates questions méthodologiques ont été
soulevées, sans être pleinement approfondies (3). 1) La régulation, une approche a priori féconde pour l'analyse des
pays en développement La théorie de la régulation repose sur "quatre pilliers", pour
reprendre l'expression de Boyer et Saillard (1995), qui apparaissent comme
de solides bases pour l'analyse de l'évolution des pays en développement. 1.1) En premier lieu, Boyer et Saillard (1995) soulignent que "la
théorie de la régulation entend bénéficier des apports de disciplines
voisines telle que l'histoire, la sociologie, les sciences politiques, dont
elle accepte de prendre certaines conclusions comme hypothèses" (P. 11).
Cette démarche, certes essentielle dans tous les cas, s'impose
particulièrement lors de travaux consacrés à des pays éloignés de l'univers
culturel des chercheurs économistes qui ne peuvent dés lors compter,
explicitement ou implicitement, sur leur connaissance intime des sociétés
étudiées pour formuler les hypothèses de départ de leurs recherches. 1.2) En second lieu, la théorie de la régulation invite à délimiter avec
précision l'espace et la période d'analyse choisie. Or, la diversité
croissante des caractéristiques économiques et sociales des pays en
développement et la grande variété de leurs rythmes d'évolution imposent,
de plus en plus, d'identifier avec soin zones et périodes analysées.
Paradoxalement, dans un contexte de mondialisation croissante, les
différences spatiales s'accentuent entre continents, mais aussi entre pays
d'une même aire culturelle et, à l'intérieur des pays eux-mêmes, entre
territoires. Dès lors, tout regroupement est contestable et doit être
justifié avec soin, qu'il soit effectué à des fins comparatives ou pour
disposer de données statistiques en nombre significatif.
Le choix des périodes d'analyse est toujours un point délicat. Il
n'est donc pas surprenant qu'il ait été discuté à plusieurs reprises lors
des séminaires évoqués ici. Ainsi, la confrontation des situations
mexicaines et brésiliennes a conduit à s'interroger sur la validité d'une
analyse débutant en 195O alors que l'installation au pouvoir du PRI,
déterminante pour le Mexique, est beaucoup plus ancienne. Par la stabilité
politique engendrée, elle contraste avec l'évolution du Brésil, marquée par
diverses alternances politiques. De même, dans le cas de l'Algérie,
débuter l'analyse à la date de l'indépendance, en 1962, peut conduire à
négliger l'importance de la période antérieure du fait, en particulier, de
l'existence du plan de Constantine. Pour l'Afrique sub-saharienne, P. Hugon
a proposé une périodisation en quatre grandes époques. : les sociétés
précoloniales, la période coloniale jusqu'aux années trente, de 1930 à la
fin des années soixante, depuis le début des années soixante-dix à nos
jours.
De plus, discontinuités politiques et économiques ne coïncident pas
nécessairement. Privilégier les unes ou les autres implique souvent des
hypothèses implicites sur le primat du politique ou de l'économique. Il
convient donc, pour le moins, de les expliciter soigneusement et très
souvent de combiner ces périodisations. 1.3) Le troisième pilier de la théorie de la régulation est
l'hypothèse d'historicité fondamentale des processus de développement. En
rupture claire avec la prétention à l'universalité et à l'atemporalité des
théories économiques orthodoxes dominantes, la théorie de la régulation
invite donc à mettre l'accent sur les dynamiques d'évolution des rapports
socio-économiques. Les stratégies des acteurs d'aujourd'hui dépendent des
décisions et des choix, intentionnels ou non, de ceux du passé, tout comme
l'avenir dépend de ceux d'aujourd'hui. Cette hypothèse confère dès lors une
place d