Cours de Licence de sociologie - Salvador Juan - Free

Il n'existe pas de technique idéale ou sans effets pervers. ..... Dans les deux cas, l
'examen des tendances, et tout d'abord leur identification comme telles, ......
modalités opposées constitueront les axes d'un plan orthogonal, avec toutes les
 ...

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Cours de Licence de sociologie
Méthodes d'investigation sociologique 1. et 2.
Responsables : Salvador JUAN (2004-2005)
Introduction générale Les sciences - toutes les sciences - ne sont telles que parce
qu'elles mettent en place des protocoles soit visant à administrer des
preuves, soit, au moins, à étayer les énoncés des chercheurs. Elles le font
à partir d'informations ou de données concrètes provenant de l'observation
ou de l'expérience. Ce cours porte sur les techniques d'investigation
utilisées, visant à produire ces informations ou données concrètes, dans un
champ particulier qui est celui des sciences sociohumaines.
Il n'aborde pas les questions philosophiques (ou très indirectement
et à l'occasion des nécessaires excursions épistémologiques ou de théorie
de la connaissance) car le philosophe ne cherche pas - contrairement au
scientifique - à évaluer la pertinence de ses dires au regard d'une réalité
observable ou expérimentable.
Le champ des « sciences sociohumaines », malgré son hétérogénéité
apparente et la diversité réelle des disciplines qui le composent, a une
unité interne forte. On n'étudie pas l'humain comme on étudie un atome, une
cellule ou une étoile... L'unité de ce champ repose sur la cohérence d'un
même objet qui est l'unité de l'humain, de ses actions, des choses qu'il
crée ou s'imagine. Les manières d'analyser les trois ordres de faits (ou
leurs relations), si profondément et simplement distingués par Mauss
((1938, 350) qui s'appuie sur la distinction que le droit romain faisait
entre personae, res et actiones.) que sont les personnes, les actions et
les créations, matérielles ou symboliques, ne sont pas très nombreuses.
Les modes et modalités de la recherche empirique consacrée à ce
domaine se recoupent très largement quelle que soit la discipline. Parmi
les quatre horizons disciplinaires principaux qui constituent le champ (à
savoir l'anthropologie, l'économie, l'histoire et la sociologie), la
sociologie utilise la plus large gamme de cet ensemble de techniques de
recherche que nous allons aborder. En traitant des méthodes et techniques
sociologiques, nous traitons donc des mêmes outils de recherche que les
autres disciplines. L'angle d'attaque est la critique. En montrant les
vertus et les limites, de toutes les techniques d'investigation utilisées
dans la recherche empirique en sciences sociohumaines, on prétend - on
voudrait - à la fois éradiquer toute polémique stérile, et montrer
qu'aucune technique ne prévaut sur les autres ou serait plus
scientifique... L'amélioration des protocoles passe par là. La plus grande
force du chercheur, dans les disciplines sociohumaines (comme dans les
autres d'ailleurs) est la conscience de ses faiblesses.
Il s'agit aussi de ne plus permettre que certaines cliques
s'approprient des techniques ou procédés, construisent une stratégie
d'image par amalgame, en s'assimilant à elles. Le chercheur peut et doit
s'approprier le principe du pluralisme explicatif ou compréhensif, créer
par ce que l'on nomme, sans le moindre mépris mais avec gourmandise, la
« cuisine empirique », passer sans vergogne d'un procédé à un autre,
s'autoriser l'emploi de techniques aucunement réservées à qui que ce
soit... Plus les chercheurs auront conscience des limites de tout protocole
- le terme désigne un ensemble de normes à respecter dans les opérations de
recherche - et plus le débat sera franc et clairvoyant.
La posture défendue ici est une posture assez positiviste. On
considère qu'il n'y a pas a discuter ou disputer de résultats descriptifs
et concrets, dès lors que les protocoles sont sérieux - même si ces
protocoles ne font pas toujours l'objet d'un consensus - et que chaque
chercheur peut les reproduire ou les utiliser en toute conscience de leurs
limites. On ne peut que constater et prendre acte. En revanche
l'interprétation reste bien souvent ouverte ainsi que les déductions...
C'est dans cet espace ambigu que se constitue la connaissance scientifique
dans les disciplines sociohumaines. Il lui faut des résultats de recherche
empirique mais aussi des hypothèses qui orientent la recherche, des idées
conceptualisées soumises à débat scientifique. Le débat d'idées appartient
aux modèles ou écoles de pensée, aux paradigmes, et non au domaine de la
recherche empirique qui le fonde pourtant et l'alimente en permanence... En
d'autres termes, nos disciplines marchent sur deux jambes : les concepts et
les résultats.
Les règles de validité ou de fiabilité d'un résultat de recherche
empirique - de l'expérience personnelle, soit par observation, soit par
expérimentation - et les normes gouvernant la solidité d'une idée ne sont
pas les mêmes. La difficulté est que, bien souvent, le chercheur a deux
faces. Il est à la fois celui qui opère sur le terrain empirique et celui
qui écrit et se situe sur celui du débat scientifique. Cette dualité est
celle que les artisans vivent tous les jours dans leur pratique, puisqu'ils
ont la connaissance théorique tout en disposant du « tour de main » sans
lequel leur art est inapplicable. La double connaissance-expérience est
appelée le métier. Plus la division du travail dissocie le théorique de
l'empirique et plus elle affaiblit le métier de chercheur en sciences
sociohumaines, déqualifie certains au profit des autres. Allons plus loin.
En matière de travail scientifique il en va comme dans le reste du monde
professionnel : plus la division du travail exerce ses effets de
spécialisation plus elle crée des OS de la recherche, déqualifie certains
au profits des autres. Inversement, plus les artisans de la recherche
seront nombreux et résisteront aux logiques de spécialisation, mieux s'en
porteront les sciences sociohumaines. C'est pourquoi on défend ici une
vision artisanale de la recherche.
Le problème de la recherche empirique en sciences sociohumaines est
compliqué par un facteur lié à un état que les autres sciences ont dépassé
depuis longtemps. Du fait de l'extraordinaire complexité du sociohumain, de
sa réflexivité, de son historicité et, surtout, de la part qu'y prend le
symbolique, la question des points de vue pour observer les diverses
facettes d'un même fait social se pose avec une acuité toute particulière.
D'où l'exigence de formuler un projet de recherche avant d'entreprendre une
investigation de terrain. Ce projet est nécessairement cadré théoriquement
et le chercheur le plus empiriste doit avoir conscience des enjeux
théoriques de ses choix techniques. Cela est bien différent dans les
sciences de la nature et de la vie où les cloisonnements sectoriels sont
déjà fixés, où la hiérarchie des statuts de chercheurs est beaucoup plus
nette et où les protocoles sont plus matérialisés.
Pas de connaissance produite et exprimée sans l'aide des concepts.
Mais d'ou viennent-ils ? Les concepts ne sont pas seulement dans la tête du
chercheur mais existent comme institutions symboliques (représentations
collectives pour Durkheim). Les techniques[1] portent et comportent une
logique dominante - renvoient au rapport que le chercheur entretient au
« terrain » -, ce qui autorise leur catégorisation. Ce rapport au terrain
peut être défini par une typologie issue d'une double tension. J'attire
votre attention sur le mode de construction typologique sur lequel nous
reviendrons à la fin du cours.
L'opposition compréhension - explication désigne la manière dont le
chercheur considère ce qu'il étudie : le statut du sujet / objet de la
recherche. Les individus, groupes, phénomènes étudiés sont-ils acteurs-
sujets ou mécaniques-objets ? Leur comportement est-il symboliquement
orienté, projeté par l'acteur et intelligible par le chercheur en tant que
tel ou logique car décomposable en attributs explicables par des facteurs ?
Le sens d'une action est-il tout ou partie dans (com/préhension) la
conscience des acteurs ou plutôt dans les circonstances et l'environnement
de leur action (ex/plication) ?
L'opposition observation / expérimentation désigne le statut du
chercheur par rapport à son objet : aux individus, groupes ou phénomènes
étudiés. Dans l'observation, le chercheur n'a pas produit le matériau : il
étudie les situations « naturelles » ou les objets crées par d'autres.
Inversement, l'expérimentation produit le sens. Par des stimuli
« contrôlés », le chercheur intervient sur les acteurs considérés comme les
vecteurs de l'information et dont il traite les réponses.
Le croisement de ces couples d'opposition définit quatre types
logiques : quatre horizons de la méthode en sciences sociohumaines :
Schéma simplifié* des horizons de la méthode en sciences sociohumaines COMPRÉHENSION 1. Observation directe transp. | 3. Entretiens
Documents interprétatifs | Recherche action
|
OBSERVATION
EXPÉRIMENTATION
|
2. Traces et analyses secondaires | 4. Mesures par
questionnaire
Observation directe opaque | ou en laboratoire EXPLICATION Cf le tableau complet en annexe Chaque quadrant méthodologique est le produit d'un double situant du
chercheur fondé sur des critère