voyage à madagascar - Bibliothèque malgache

... de leur bonté : encore les donnait-il à ses parents et à ses amis présents, qui
se livraient au même examen. ...... Les cheveux, crépus ou ondulés, sont épais.

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Louis Catat Voyage
à
Madagascar
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VOYAGE
À MADAGASCAR PAR M. LE DOCTEUR CATAT
1889-1890
LE TOUR DU MONDE
1893-1894 I
Arrivée à Tamatave. - La rade. - Débarquement des voyageurs et des
marchandises. - La ville européenne. - La musique du gouverneur. -
Formalités de douane. - Village indigène et marché. - Indiens malabars. -
Les changeurs. - Monnaie coupée et balances. - La batterie hova. -
Rainandriamanpandry. - Le commencement de la saison sèche. - Préparatifs de
départ. - Commerce, importations et exportations. - Embarquement des b?ufs.
- Voies de communication à Madagascar. - Les borizano et les filanjana. Chargé par le Ministère de l'Instruction publique d'une mission
scientifique à Madagascar, je m'embarquai à Marseille, le 9 février 1889,
sur l'Amazone, courrier de la côte orientale d'Afrique. Je désirais
vivement visiter un pays qui présente encore un si vaste champ d'études
malgré les nombreux et importants travaux dont il a été l'objet, et qui a
maintenant ses destinées intimement liées à celles de la France. J'avais
confiance d'ailleurs dans la réussite de mon entreprise, car deux de mes
bons amis m'accompagnaient dans l'île africaine, MM. Georges Foucart,
ingénieur des arts et manufactures, et Casimir Maistre. Collaborateurs
dévoués, ils devaient me faciliter dans une large mesure l'accomplissement
de ma tâche.
La traversée s'effectue généralement en vingt-six ou vingt-huit jours,
mais de nombreuses escales viennent interrompre la monotonie de ce long
trajet. Le 4 mars nous apercevions pour la première fois les côtes
malgaches au nord de Nosy-Bé ; le 6 nous étions à Diego-Suarez et le 8 à
Sainte-Marie de Madagascar. Nous quittions cette île dans la nuit, par un
gros temps, et le lendemain de très bonne heure nous arrivions en vue de
Tamatave.
Les côtes sont basses, mais vers l'intérieur les terres se relèvent,
les mamelons, les collines s'étagent en gradins, et dans le lointain se
montrent les premières montagnes. Tout disparaît sous un manteau de
verdure, dont les teintes vives des premiers plans s'estompent peu à peu
pour aller se confondre sur les cimes lointaines avec les brouillards du
matin.
Tamatave se distingue difficilement du large : je devine plutôt que je
n'aperçois les maisons peu élevées cachées derrière les cocotiers et les
grands arbres du rivage, la masse circulaire du fort hova, la pyramide
rouge de la pointe Tanio, seul signal qui guide le marin dans son
atterrissage. À mesure que nous approchons, les détails s'accusent plus
fortement, des toits brillent au soleil dans les massifs de verdure,
piquetés de noir çà et là par les chaumes sombres des cases indigènes.
Bientôt les pavillons des consulats et des maisons de commerce se déploient
pour saluer l'arrivée du courrier de France. Après avoir dépassé un îlot
boisé, Nosy-Alanana, « l'île aux Prunes », l'Amazone franchit la passe et
jette l'ancre devant Tamatave.
La rade, formée par une légère incurvation de la côte, que prolonge au
sud-est un promontoire sablonneux, n'a qu'une étendue peu considérable ;
elle va de la pointe Tanio au nord au récif d'Hastie, qui la limite vers le
sud. Du côté du large elle est imparfaitement protégée par des bancs
madréporiques, sur lesquels la grande houle de la mer des Indes déferle
constamment. Cette rade foraine ne présente qu'un abri insuffisant ; la
tenue est médiocre, et lorsque vient le mauvais temps, il faut se hâter de
fuir ces parages dangereux. Du reste les débris du Dayot près de la côte,
ceux de l'Oise et de l'Èbre sur les brisants, les épaves d'un trois-mâts et
les carcasses de quelques boutres conseillent la prudence.
Mais nous avions hâte de débarquer. Je redoutais bien quelques
complications : nous n'avions pas une patente nette, le service sanitaire
pouvait être exigeant. Je fus vite rassuré : cette institution n'existait
pas encore à Tamatave. Je prends passage avec mes amis dans une embarcation
qui nous conduit rapidement au débarcadère. Il ne faut entendre par cette
expression que l'endroit de la plage où l'on débarque habituellement
passagers et marchandises. Il y a quelques années, pendant l'occupation de
Tamatave, un wharf avait été construit par nos troupes ; après leur départ
il fut détruit par les indigènes, qui trouvaient là une concurrence
sérieuse. Maintenant comme autrefois, les caisses et les ballots sont
transportés du navire à la plage dans des chalands qui viennent s'échouer
sur le sable ; de nombreux porteurs s'emparent de ces objets, les chargent
sur leur dos, et, en poussant des cris assourdissants, les déposent en
terrain ferme, non sans faire quelquefois des chutes malencontreuses. Pour
les personnes, le mode de débarquement est analogue : c'est ainsi que,
porté sur les épaules de deux vigoureux noirs, nous sommes amenés enfin à
fouler le sol malgache.
Notre première visite fut pour M. Jore, chargé par intérim de la
résidence de France. Il se mit fort gracieusement à notre disposition, et
je ne saurais trop le remercier de l'affabilité et de l'obligeance qu'il
nous a montrées pendant tout notre séjour. Nous dépêchons lestement
quelques courses, nous allons retenir un gîte convenable au Grand Hôtel de
Tamatave, et, nouveaux venus, nous nous empressons d'aller visiter la
ville.
Tamatave, située en partie sur la pointe d'Hastie, tend chaque année à
s'accroître du côté du nord-ouest, dans la direction du chemin qui conduit
à Tananarive. La ville est construite sur un sol sablonneux, où l'on trouve
partout et peu profondément une eau saumâtre et malsaine. Les fièvres y
sont communes. Les températures élevées de la saison chaude et les pluies
diluviennes qui tombent à chaque instant contribuent encore à l'insalubrité
de la ville.
En quittant le débarcadère, les bâtiments de la douane et les hangars
des services maritimes qui l'avoisinent, on arrive au quartier européen. La
première voie dans laquelle on s'engage, et qui est parallèle à la plage,
porte le nom d'Avenue n° 1. C'est là que se trouvent la résidence de
France, plusieurs consulats étrangers, les principales maisons de commerce,
les magasins des détaillants, la mission catholique avec une église et une
école.
Pour faciliter les transports des marchandises sur cette voie,
plusieurs commerçants y ont fait établir un chemin de fer Decauville.
L'Avenue n° 2, parallèle à la première, est bordée par des maisons de
moindre importance. Ces deux avenues sont coupées par des rues
perpendiculaires, qui vont d'une rive à l'autre de la pointe. En remontant
l'Avenue n° 1 vers le nord, on rencontre, après avoir dépassé le quartier
européen, le village indigène, puis le fort hova, et l'on s'engage sur la
route de Tananarive. Vers le sud, cette avenue conduit à l'extrémité de la
pointe, où sont bâties quelques cases habitées par des familles originaires
de notre colonie de Sainte-Marie.
Le village indigène n'offre à Tamatave rien de caractéristique ; des
cases groupées sans ordre et en fort mauvais état, où les roseaux et les
feuilles d'arbres employés par les constructeurs malgaches sont remplacés
parfois par des tôles usées, par des douves de barriques et des débris de
caisses, abritent une population flottante de soldats et de porteurs.
Le marché est situé non loin de là en revenant vers le quartier
européen. Les habitants des villages voisins y apportent leurs produits ;
on y trouve de la viande de boucherie, des volailles, du poisson, des
légumes et des denrées indigènes. Les marchands, accroupis sous un toit de
chaume supporté par quatre piquets, débitent leurs marchandises amoncelées
pêle-mêle devant eux. Les approvisionnements que l'on peut se procurer sur
ce marché sont insuffisants pour les besoins des Européens, qui doivent y
suppléer, principalement pour les légumes, par des envois continuels de la
Réunion ou par des achats fréquents aux maîtres d'hôtel des paquebots de
passage ; aussi la vie est-elle fort chère à Tamatave.
Au sud du bazar sont groupées les habitations des Indiens malabars.
Ils détiennent le commerce de détail et servent d'intermédiaires entre les
grandes maisons européennes et la population indigène. Ces marchands
indiens, que l'on trouve sur toute la côte d'Afrique, et qui sont en si
grand nombre à Zanzibar et dans les îles voisines, commencent à envahir
Madagascar ; se contentant d'un petit bénéfice, ils réalisent au bout de
l'année un chiffre d'affaires important et font une concurrence sérieuse
aux autres établissements. C'est dans le voisinage des boutiques malabares
que s'exercent les industries indigènes, la ferblanterie notamment, pour
laquelle les Malgaches paraissent très bien doués.
En rejoignant l'Avenue n° 1, nous sommes arrêtés au passage par les
changeurs. Ces modestes industriels jouent ici un rôle important :
accroupis sur une natte, ils ont devant eux un étalage de toutes sortes de
monnaies, qu'ils vendent ou achètent, suivant les cas, pour un certain