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: ..... Ainsi, le produit scalaire de deux vecteurs physiques dont les domaines ...

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Calculer avec les grandeurs André Pressiat
Maître de conférence de mathématiques à l'IUFM d'Orléans-Tours, DIDIREM -
INRP Les grandeurs ont longtemps occupé une place importante dans
l'enseignement des mathématiques, à l'école et au collège. Puis leur place
s'est beaucoup réduite, notamment au moment de la période des mathématiques
modernes, au profit des nombres. Les nouveaux programmes de l'école et du
collège proposent de leur redonner une place plus importante, ce qui repose
ou soulève des problèmes de natures diverses : historique (leur place en
mathématiques est ancienne, mais est-elle encore légitime aujourd'hui ?),
épistémologique (elles sont à la frontière de plusieurs disciplines),
mathématique (quel est le savoir universitaire actuel de référence ?), et
didactique (est-il légitime de calculer en faisant figurer des unités dans
les calculs ? Est-ce pertinent du point de vue de l'apprentissage pour
contribuer au développement de "l'intelligence du calcul" ?). Dans cette intervention, j'aborderai rapidement les deux premiers
aspects, puis de manière plus approfondie les deux derniers. Du point de
vue mathématique, on peut théoriser d'une part la notion de grandeur
mesurable et d'autre part "l'algèbre des grandeurs", en relation avec
l'algèbre linéaire, même si ces théories sont peu connues : j'en donnerai
un aperçu, suffisant pour satisfaire les besoins légitimes des professeurs
en la matière. Du point de vue didactique, j'évoquerai l'enseignement dans
plusieurs pays européens où le calcul avec unités est pratiqué, mais
surtout, je montrerai à l'aide d'exemples l'intérêt d'une modélisation en
termes de grandeurs comme étape intermédiaire (et en bien des cas
suffisante) entre les situations mathématiques ou extra - mathématiques à
étudier (par exemple une situation de proportionnalité entre deux ou
plusieurs grandeurs) et le modèle mathématique qui permet d'unifier toutes
ces modélisations (ici, en terme de fonctions numériques linéaires ou
multilinéaires)
I. Définition du mot « mathématique » dans le dictionnaire L'examen d'un dictionnaire courant est un bon indice pour mesurer
l'écart entre les définitions courantes d'un mot et ses emplois plus
spécialisés. Une telle consultation donne la définition suivante à propos
du nom "mathématique": « Science qui a pour objet la mesure et les
propriétés des grandeurs. », et pour ce qui concerne l'adjectif
correspondant « Relatif à la science du calcul, à l'étude des grandeurs, à
l'examen logique des relations qui existent ou qui peuvent exister entre
les éléments d'un ou plusieurs ensembles. ». Dans la première définition,
et dans une moindre mesure dans la seconde, les grandeurs tiennent une
place importante, alors que dans les mathématiques savantes comme dans les
mathématiques enseignées, cette place fluctue avec le temps. Les
paragraphes 2 et 3 ont précisément comme but de mettre en évidence les
grandes étapes de la vie des grandeurs dans ces deux domaines d'activité
mathématique. Le fil directeur de cet exposé est tendu entre les influences
successives des travaux de trois mathématiciens : Euclide, Grassmann et
Whitney. Dans ses Eléments, Euclide (environ 330 avant J.C. - environ 275
avant J. C.) consacre entièrement le Livre V aux grandeurs, et fournit
ainsi la première théorie sur ce domaine. Grassmann (1805 - 1877) publie en
1844 « La science de la grandeur extensive », ?uvre dans laquelle il
reconstruit une théorie des grandeurs et en même temps contribue de manière
essentielle à l'élaboration de l'algèbre linéaire. Quant à Whitney (1907 -
1989), il a élaboré en 1968 une théorie des grandeurs dans laquelle les
nombres et les grandeurs sont construits en parallèle, permettant de
traiter d'un point de vue contemporain les questions relevant de l'analyse
dimensionnelle. II. Les grandeurs dans l'histoire des mathématiques : quelques
éléments A. Les grandeurs chez Euclide
Les extraits suivants de l'ouvrage « Mathématiques au fil des
âges » (Gauthier - Villars, 1987) reprennent les commentaires des auteurs
sur les Éléments d'Euclide : ils permettent de pointer les aspects
saillants de la théorie euclidienne des grandeurs.
« Euclide ne définit pas précisément ce qu'il entend par grandeur.
La théorie construite ne dépend pas du genre particulier des
grandeurs considérées, qui peuvent être des longueurs, des
surfaces, des poids, etc., et c'est ce qui en assure
l'universalité. Des grandeurs homogènes, c'est-à-dire du même
genre, peuvent s'ajouter et se comparer. Les "notions communes"
fixent les règles opératoires : si A = B et B = C, alors A = C ; si
A = B, alors A + C = B + C ; si A = B, alors
2A = 2B, etc. En outre, au livre V, Euclide admet implicitement que
l'on peut diviser toute grandeur par un entier. [...] La définition
5 restreint encore les grandeurs auxquelles s'attachent ce livre.
Il s'agit de grandeurs vérifiant la propriété connue sous le nom
d'Eudoxe - Archimède. [...] Vient la célèbre définition 6. Elle ne
définit pas une raison de grandeurs, mais l'égalité de deux
raisons, c'est-à-dire une classe d'équivalence entre deux couples
de grandeurs. C'est la relation d'égalité, dirions-nous
aujourd'hui, qui définit les classes d'équivalence des raisons
égales.
En langage moderne, étant données quatre grandeurs A, B et C, D
rangées par couples, la définition 6 stipule qu'il y a égalité de
raison, ou proportion, si et seulement si, pour tout couple (m, n)
d'entiers naturels non nuls, on a, selon les trois cas possibles :
nA > mB et nC > mD ou bien nA = mB et nC = mD
ou bien nA < mB et nC < mD.
Si on utilise la notation [pic] (totalement absente dans le livre
V), on traduit ceci en disant que :
[pic]
si, pour tout couple (m, n) de nombres entiers naturels non nuls,
[pic]
[...] Une raison est alors un rapport [pic]. L'idée remarquable est
donc de définir toutes les raisons [pic], qui ne sont pas
nécessairement des rapports d'entiers, par séparation au moyen des
seuls quotients d'entiers naturels de la forme [pic]. ».
La notation [pic], absente du livre V en ce qui concerne les raisons entre
grandeurs, l'est également au livre VII pour les quotients [pic] d'entiers.
Mais il existe une grande différence entre raison et quotient, comme le met
en évidence le commentaire suivant, tiré du même ouvrage que précédemment,
et rédigé en langage moderne.
« Au Livre VII consacré à l'arithmétique, Euclide montre que
l'égalité de deux quotients d'entiers m/n et p/q se vérifie par
l'égalité des produits des extrêmes et des moyens : mq = np. [...].
Une telle procédure est inutilisable dès le Livre V, pour des
grandeurs continues quelconques, d'autant plus qu'Euclide
n'envisage pas le produit de deux grandeurs. Comme les entiers ne
sont pas toujours divisibles, le calcul développé au livre VII est
indépendant du livre V [...].
Avec la construction eudoxienne, les raisons, c'est-à-dire les
rapports de grandeurs de même genre, mais a priori quelconques,
remplaçaient en les étendant les seuls rapports d'entiers. Du coup,
on peut distinguer les raisons commensurables et incommensurables.
Les raisons commensurables A/B sont celles pour lesquelles il
existe une grandeur C (quelconque) et deux entiers naturels m et n
tels que A, B, nC, mC forment une proportion. La raison définie par
nC et mC ne dépend pas de cette grandeur C. ».
Même si les raisons sous certains aspects étendent les rapports d'entiers,
elles n'ont pas chez Euclide la même puissance calculatoire :
« Bien qu'Euclide compare les raisons, il ne leur donne pourtant
pas le statut d'objets mathématiques indépendants sur lesquels on
connaît deux opérations. Il n'est donc pas question de les faire
entrer dans un cadre analogue à celui des nombres entiers ou des
fractions. On ne trouve pas définies chez Euclide en toute
généralité des opérations comme l'addition ou la multiplication des
raisons. ».
Le calcul sur les raisons est remplacé par un calcul sur les égalités de
raisons, c'est-à-dire sur les proportions, comme en témoigne ce
commentaire, lui aussi rédigé en langage moderne :
« En revanche, d'autres opérations sont mises en évidence : ce sont
les règles de manipulation des proportions. Par exemple, [pic].
Ces règles font l'objet des propositions finales du livre V et
seront retenues par c?ur dans toute la tradition médiévale, sans
utilisation de l'écriture avec barre de fraction, mais avec le
balancement rythmique : A est à B ce que C est à D.
[...] Le traitement séparé des rapports de grandeurs (des raisons)
et des rapports d'entiers (fractions) est tout à fait conforme à la
pensée grecque. »,
pensée que ce dernier extrait permet de mieux appréhender :
« Pour mieux comprendre ce qui a tant retenu les mathématiciens de
considérer les raisons comme des nombres susceptibles d'addition et
de multiplicat