Révolutions logiques et représentations du monde II - Hal-SHS

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Révolutions des technologies de communication et représentations du monde (3) Au risque de l'expérimentation Anne Bretagnolle*, Marie-Claire Robic** *UMR Géographie-cités, Université de Paris I ** UMR Géographie-cités, CNRS Résumé : Les recherches effectuées par les géographes depuis la fin du XIXe
siècle sur les effets de l'accroissement des vitesses et des possibilités
nouvelles de transfert de l'information concluent à des réorganisations du
monde créatrices de déformations et de structures spatiales discontinues,
et non à la réduction uniforme que supposent certaines représentations de
l'impact des nouvelles technologies de communication. Cet article étudie
les modes successifs par lesquels les auteurs ont décrit et expliqué
l'accroissement des inégalités dans les systèmes de peuplement par des
processus de sélection liés au changement de l'accessibilité des lieux. Il
étudie dans un second temps les recherches méthodologiques qui visent à
rendre compte d'un espace relatif référé à des distances anthropologiques
évaluées en temps ou en coût et les constructions théoriques destinées à
comprendre l'évolution des systèmes de villes. S'agissant des plus grandes
métropoles, l'article souligne le renforcement de la complexité de leur
organisation et de leur mise en réseau, à l'échelle mondiale. Plusieurs
éléments restent en discussion, notamment celui sur la nouveauté ou non de
ces processus de mondialisation, ou sur l'évolution de la structuration
hiérarchique des réseaux de ville, qui se caractérise selon certains par un
maintien, voire un renforcement des inégalités, selon d'autres par un
affaiblissement des contrastes, voire par l'émergence d'un certain
polycentrisme. De l'invention ferroviaire à Internet, en passant par l'apparition de
l'automobile, les révolutions technologiques ont relancé l'utopie de
l'ubiquité et les supputations sur leurs conséquences lointaines
(Bretagnolle, Robic, 2005a et 2005b). Mais, en parallèle avec leur
diffusion et avec les transformations de l'espace des échanges ou de la
circulation qui les accompagnent, des recherches instrumentées ont été
menées par géographes et non-géographes pour évaluer le sens effectif des
évolutions. Quelles sont les conséquences concrètes de l'annihilation de la
distance dont la nouvelle technologie est supposée porteuse ? En quoi le
niveau atteint par la vitesse des individus ou des informations modifie-t-
il structures et comportements ? Le rétrécissement du monde est-il avéré,
quels que soient les champs d'activité envisagés ? De nouvelles
configurations spatiales émergent-elles à l'échelle de la ville, des États
ou du monde ? Nous nous consacrons ici aux recherches théoriques et
empiriques suscitées par la confrontation des géographes avec les
conséquences concrètes des mutations technologiques, en nous concentrant
sur les travaux relatifs à l'urbanisation. Dans un premier point, nous
rendons compte des descriptions qu'ils en donnent. Cela permet de
distinguer trois époques, le tournant des XIXe - XXe siècles, où le chemin
de fer est devenu roi, les années trente, où s'impose déjà la circulation
automobile, enfin l'époque contemporaine, celle du TGV et d'Internet : de
la fin du XIXe siècle au début du XXIe siècle, la dominante des
descriptions de l'organisation spatiale liée aux phénomènes de la mobilité
évolue, du diagnostic d'un monde déformé (et non pas miniaturisé comme
l'avaient imaginé les premières utopies du début du XIXe siècle) à celui
d'un monde disloqué. Dans un deuxième point, nous analysons les
questionnements, les méthodes et les outils nouveaux qui sont intervenus
dans la recherche pour formaliser l'espace-temps, puis les interprétations
de l'évolution des systèmes de peuplement progressivement mises en ?uvre
afin de rendre compte des dynamiques impulsées par le progrès des
communications. 1. Le principe de réalité : d'un monde difforme à un monde disloqué
1.1. Chemin de fer et sélection de n?uds urbains (fin du XIXe siècle) Nés au siècle du chemin de fer, Elisée Reclus, Halford Mackinder et Paul
Vidal de la Blache bénéficient du recul de l'observation, à la différence
des penseurs des années 1830 étudiés dans le premier article : les grandes
concentrations urbaines, notamment industrielles, s'étalent sous leurs
yeux, avec leur corollaire, l'exode rural et le dépeuplement des campagnes.
De nombreuses illustrations en sont données par ces trois géographes,
étayées par l'utilisation de recensements de population. Le chemin de fer
marque pour eux l'apparition d'un processus de sélection géographique, d'un
renforcement des inégalités entre les n?uds de la trame urbaine. Leur
contribution commune repose d'abord sur le lien qu'ils établissent entre
l'organisation de la trame urbaine et le rythme des communications.
Parmi eux, Elisée Reclus (1830-1905) se situe à la charnière entre pensée
utopique et principe de réalité. Certains textes consacrés au chemin de fer
et à l'électricité sont très proches des raisonnements des saint-simoniens
des années 1830 : le rétrécissement de la planète, qui s'effectue dans un
rapport mathématique avec l'accroissement de la vitesse est rendu possible
non seulement par la traction à vapeur mais aussi par le télégraphe
électrique, qui irrigue les territoires d'un véritable « système nerveux »
(1894). Il en est de même au niveau national : « Grâce aux moyens accélérés
de communication, la France s'est rétrécie, pour ainsi dire ; pendant
chaque année du siècle, les extrémités se sont rapprochées du centre [...].
Au point de vue des distances, le territoire est donc sept fois moins long
et sept fois moins large qu'il ne l'était il y a deux générations. » (1877,
p. 893). La mobilité généralisée, des hommes comme de l'information,
devient synonyme d'ubiquité : « les populations des villes, - non celles
des campagnes écartées pour lesquelles les distances n'ont diminué que dans
une moindre mesure,- se sont non seulement rapprochées de fait, elles
vivent aussi d'une vie commune, grâce à l'échange incessant des livres, des
journaux, des lettres, des télégrammes ; elles acquièrent ainsi une sorte
d'ubiquité. » (1877, p. 893-894). Elle permet d'envisager l'union des
peuples et le brassage des races, à l'échelle de la planète : « l'humanité
se fait une » (1894).
Cependant, comme l'allusion ci-dessus aux campagnes reculées le suggère, la
vision d'un phénomène égalitaire s'efface dans les analyses consacrées à
l'évolution de la trame des lieux de peuplement. Reclus n'adhère pas aux
courants socialistes ou anarchistes qui dénoncent les méfaits de la grande
ville et préconisent sa dissolution. Associant la ville à la civilisation
et au progrès, il décrit et analyse la croissance sans précédent des très
grandes villes afin de mieux l'accompagner (1895). Dans cette analyse, les
moyens de communication tiennent une place centrale. Tout comme dans les
écrits de Jean Reynaud, le rythme des déplacements est étroitement associé
aux régularités de la trame urbaine : c'est « le pas du voyageur » et la
distance couverte en une journée qui ont réglé l'espacement entre les
villes. Les grandes villes sont perçues comme des étapes pour le voyageur à
cheval et pour le piéton ; elles s'accroissent « en raison du temps de
séjour » tandis que les petites villes, situées à mi-chemin, servent de
simple halte pour le marcheur (1877, 1895). Le chemin de fer bouleverse ces
régularités car, en introduisant de fortes différences d'accessibilité
entre les villes, il entraîne une déformation sans précédent de la trame
urbaine, au profit des n?uds majeurs. A l'échelle locale, il permet leur
déconcentration vers les campagnes proches, grâce aux tramways et chemins
de fer urbains : « Londres, aussi dense que soient ses quartiers centraux,
est un merveilleux exemple de cette dispersion de la population urbaine à
travers champs et forêts sur plus de cent kilomètres à la ronde. » (1895).
Tout comme chez Reclus, l'évolution des techniques de déplacement se
caractérise aux yeux de Paul Vidal de la Blache (1845-1918) par un
processus de court-circuitage des anciennes étapes. La relation qu'il
établit entre les techniques de transport et la trame urbaine rappelle, par
bien des aspects, celle décrite par son illustre devancier : « La
répartition des villes obéit à une sorte de rythme réglé sur les commodités
de circulation ; elle correspond à peu près aux distances qu'il est
possible de franchir avec les moyens d'alors, aller et retour, dans une
journée. » (1911) L'auteur énumère les différents stades qui se sont
succédé dans l'histoire, depuis la clairière de l'époque celtique jusqu'à
la région, au stade du chemin de fer. Fin observateur de la géographie des
Etats-Unis, qu'il visite en 1905, il formule l'idée selon laquelle
l'espacement plus grand des villes américaines est dû au fait qu'elles ont
été créées à l'époque du réseau ferré.
Il construit lui aussi une théorie évolutive du peuplement, dans laquelle
c'est non seulement la vitesse de déplacement mais aussi la capacité de
charge et les facilités de transport qui expliquent la croissance
différenciée des grandes villes et l'augmentation du gabarit des régions.
Le stade du chemin de fer, et plus généralement de la navigation à vapeur,
se caractérise selon lui par des concentrations urbaines jusque là
inégalées. Vidal décrit plusieurs types de très grandes villes,