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La médiation journalistique dans le discours rapporté direct : mise en
évidence du point de vue subjectivisant dans le langage de la télévision Jean-Claude BONDOL
UMR 7023 CNRS-Université Paris 8
Résumé
L'hypothèse d'une restitution fidèle des paroles effectivement énoncées est
peu vérifiée dans la plupart des discours et particulièrement dans le
discours journalistique. Si l'on considère que ce discours est soumis à une
déontologie qui prescrit l'objectivité et donc à une citation exacte, sans
parti pris, alors on ne peut que déplorer le non respect du contrat
d'information médiatique dans la manière qu'ont les journalistes d'inclure
leur point de vue personnel dans les nouvelles et commentaires. Ce travail
s'efforce de montrer la part subjective de la médiation journalistique
entre la parole rapportée et le téléspectateur. Abstract
The assumption of an accurate restoration of really stated speeches is less
verified in most discourses, and particularly in the journalistic one. If
we consider this discourse to be submitted to a deontology prescribing
objectiveness, that is to say an accurate annotation, with unbias, then we
have to deplore the disrespect of media information contract in the manner
how journalists include their personal viewpoint in the news and
commentaries. This work tries to show the subjective part of journalistic
mediation between the reported speech and the viewer.
1. Introduction Le renouvellement de l'étude du discours rapporté (Rosier, 1999 ;
Nolke & Olsen, 2000) constitue un apport déterminant dans l'enrichissement
de la théorie de la polyphonie telle qu'introduite par Ducrot (1984) dans
la perspective d'une théorie sémantique discursive, structuraliste et
instructionnelle. Ainsi, de Bally à Ducrot en passant par Benveniste, une
forte tradition pour une linguistique énonciative domine dans les analyses
de phénomènes polyphoniques aussi divers que les modalités, les
connecteurs, l'argumentation, la présupposition, l'ironie, le discours
rapporté et bien d'autres encore. Dans cette panoplie, je choisis
d'analyser les mécanismes de subjectivité du discours rapporté direct dans
le journal télévisé. La notion de trait sémantique issue de l'analyse
sémique développée par Hjemslev (1943) dans le cadre d'une sémantique
structurale, est exploitée ici pour traquer les traces de subjectivité du
discours télévisuel d'information. Et je m'appuie sur B. Pottier (1963) qui
procède par établissement de traits distinctifs pertinents dans son étude
sur les sièges, et sur les « subjectivèmes » de C. Kerbrat-Orecchioni
(1980) pour exploiter l'opposition objectif vs subjectif ou plus
précisément l'opposition « +subjectif/ - subjectif » afin d'établir
l'infidélité subjectivisante du DD sous les deux formes principales
(subjectivité marquée et subjectivité non marquée) dans lesquelles elle
apparaît dans le discours d'information médiatique. 2. Problématique de la médiation dans le discours rapporté direct La tendance actuelle est à la prise en compte des marques énonciatives
dans le renouvellement de la problématique du discours rapporté. Ainsi, le
discours rapporté ne doit pas être considéré comme un énoncé mais comme une
énonciation que l'on rapporte. (cf. J. Authier, 1978 & J. Authier-Revuz,
1882).
Depuis Banfield (1973), l'on sait que les trois formes classiques de
discours rapporté (direct, indirect, indirect libre) sont indépendantes
l'une de l'autre, c'est-à-dire que le passage de l'une à l'autre par des
opérations mécaniques est rendu impossible. En effet, dans le discours
indirect par exemple, l'énonciateur citant dispose d'une infinité de moyens
pour traduire les propos cités : les formes hybrides que sont l'îlot
textuel, le discours direct avec « que », le discours indirect libre et le
résumé avec citations.
La communication télévisuelle étant limitée pour indiquer les mots en
italique et entre guillemets sauf quand le journaliste ou l'animateur
précise « je cite », je me penche essentiellement sur les phénomènes
attestés qui entrent en résonance avec ma problématique de recherche des
traces de l'énonciateur dans son énoncé à des fins subjectives.
A propos de l'illusion d'objectivité du discours d'information
médiatique, il faut dire que le discours direct (DD) ne se contente pas
seulement de dégager la responsabilité de l'énonciateur ; il prétend aussi
restituer fidèlement les paroles citées. Sa caractéristique majeure est
qu'on y dissocie nettement les situations d'énonciation du discours citant
et celle du discours cité. Il va de soi que dans la communication
télévisuelle, le journaliste ne rapporte que très rarement les mots mêmes
de l'énonciateur cité. En effet, il faut reconnaître une certaine
différence entre un événement de parole effectif (avec à l'oral, une
intonation, des gestes, un public qui réagit...) et un énoncé cité entre
guillemets, placé dans un tout autre contexte.
L'hypothèse selon laquelle le discours direct (DD) est « fidèle »
parce qu'il reproduirait des paroles effectivement tenues n'a plus droit de
cité. En effet, si l'on considère que c'est le rapporteur qui reconstruit
la situation d'énonciation citée et que c'est cette description qui donne
nécessairement son cadre à l'interprétation du discours cité, le DD ne peut
donc être objectif. Aussi D. Maingueneau (1998 : 119) a-t-il raison
d'écrire :
Quelle que soit sa fidélité, le discours direct n'est jamais qu'un
fragment de texte dominé par l'énonciateur du discours citant, qui
dispose d'énormes moyens pour lui donner un éclairage personnel.
L'infidélité, manifestation éclatante de la subjectivité médiatique
est ici perçue comme le résultat d'une entreprise plus ou moins volontaire
de manipuler l'opinion publique. D'où ce rappel à l'ordre des obligations
des journalistes : La notion d'objectivité est remplacée chez les journalistes par celle
d'une retranscription intellectuellement honnête d'une réalité
vérifiée. La vérification de l'information est donc ce qui fait toute
la différence entre le journalisme et la propagation d'une rumeur. (P.
S. Manier, 2003 : 22). Je formule ici l'hypothèse d'une infidélité subjectivisante
généralisée du discours direct dans une perspective d'analyse discursive
exploitant une grande variété des niveaux d'analyse de la langue et
d'autres codes susceptibles de mener à l'exhaustivité. D'où la prise en
compte de cette remarque de M. Charolles & B. Combettes (1999 : 93) qui
conseillent de dépasser les structures purement linguistiques pour inclure
dans l'analyse, des réalités extralinguistiques:
A l'échelle du discours, on n'a en effet pas affaire à des
déterminations exclusivement linguistiques, mais à des mécanismes de
régulation communicationnelle hétérogènes dans lesquels les phénomènes
linguistiques doivent être envisagés en relation avec des phénomènes
psycholinguistiques, cognitifs et sociologiques. Si l'on considère la nature du contrat médiatique qui est double
(« information »/« captation ») auquel s'ajoutent les deux principes
(« sérieux-crédibilité », « plaisir-spectacularisation ») (cf. P.
Charaudeau, 1991 : 16), il y a lieu de déplorer le non respect dudit
contrat par l'instance médiatique qui use et abuse de subjectivité pour
mieux imposer ses vues partisanes. C'est dans cette optique que J. Ellul
(Les Propagandes, 1962) qui considère les médias comme un redoutable outil
de manipulation des foules, soutient la thèse du viol psychique. Aussi M.
Coulomb-Gully (2001 : 12) pense-t-elle que le dispositif de la rhétorique
télévisuelle et l'esthétisation favorisent le conditionnement du
téléspectateur qui s'émeut plus qu'il ne réfléchit :
La caractéristique première du média réside dans sa dimension sensible.
La primauté de l'image, du direct, de l'oral, insère en effet le média
télévisuel dans une communication qui privilégie une logique sensitive,
émotionnelle et affective là où d'autres formes de communication,
basées sur l'écrit par exemple, intègrent plus facilement une logique
rationnelle, cognitive voire argumentative . M. Joly (2001 : 25) va plus loin quand elle dénonce cette violation du
contrat de communication médiatique qui passe par des interventions
locutoires ou iconographiques : Ce faisant, la manipulation remet en cause la contractualité de
l'intention de communication. Elle fait comme s'il fallait passer
contractuellement du polémos à la pacification (contrat
d'argumentation) mais au lieu d'un échange, ce qu'elle met en place
c'est un vouloir faire-faire adressé à un pouvoir-faire.
A cet effet, la télévision cherche constamment à réaliser des mises en
scène d'authentification, de crédibilisation et de véracité du mode
« authentifiant ». Le mode dit « authentifiant » par opposition au mode
fictionnel, regroupe des émissions qui prétendent nous informer sur notre
monde (journal télévisé, documentaire, reportage, émission non fictionnelle
en direct ou en différé) ou tout simplement, nous mettre en contact avec
lui. Dans le mode authentifiant, la vérité des mots et des images se juge
par comparaison avec ce que nous savons par ailleurs de notre monde. Ainsi,
souligne F. Jost (1999), l'attachement des téléspectateurs au « direct » se
justifierait par le fait qu'il semble porteur d'une authenticité
particulière. 3. Infidélité du discours direct